Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
L’origine de l’origine
Depuis 1995, les milliers de visiteurs qui défilent au musée d’orsay devant « le scandaleux » tableau de Gustave Courbet : l’origine du monde, s’interrogent. Mais, qui avait eu l’audace de poser ainsi, en gros plan, jambes écartées ? Il aura fallu attendre 152 ans pour que nous connaissions son visage. Lors d’une plongée dans les archives de la bibliothèque nationale, Claude Schopp a trouvé. Constance Quéniault était son nom. Femme perdue ? Pas exactement. Engagée à l’opéra de Paris en 1857, elle se fit remarquer dans quelques seconds rôles. Qu’était l’opéra sous le second empire ? Un marché aux filles. Au foyer de la danse, ces messieurs venaient reluquer les demoiselles en petite tenue et faire leur choix. Dès l’âge de 13 ou 14 ans, des gamines désargentées y commençaient une double carrière : danseuse et femme entretenue. C’était une tradition : «la jeune ballerine est à la fois corrompue comme un vieux diplomate et naïve comme un bon sauvage» constatait Théophile Gautier en 1848. Très diplomate, Constance Quéniault accrocha quelques belles médailles à son tutu. L’aisance qu’elle a su acquérir en une dizaine d’années prouve qu’elle a su choisir avec discernement son ou ses protecteurs, estime Claude Schopp. Mais, cet entregent n’explique pas cet entre jambe. L’explication est ailleurs. C’est un certain Khalil-bey, ambassadeur de Turquie, richissime dandy fou de jeux et de femmes qui mène au tableau. Constance, l’une de ses maitresses, avait une qualité particulière : elle était sa «porte veine». Dès qu’elle s’éloignait, sa chance tournait. Pour la garder près de lui, l’ambassadeur superstitieux eut l’idée de se portrait intime, commandé à son ami Courbet. Pour ne l’exposer, qu’en privé ! Constance entrait dans l’histoire par une porte dé… robée. Elle ne savait s’en doute pas qu’en posant ainsi dénudée, elle renouvelait la mythologie grecque. Avisée, elle sut investir dans l’immobilier à Paris et à Cabourg, pour mourir rentière riche et respectée. Par peur sans doute de se retrouver à poil ? Chapeau Madame.