Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

L’attention aux autres

- Alain Paga

Madeleine a été, pendant plus de quarante ans, la secrétaire de feu le mari de Mathilde. Elle est aussi sa voisine et Mathilde lui rend visite tous les soirs. Madeleine a été opérée de la cataracte il y a un peu plus d’un mois et, à bientôt 90 ans, cela a été un choc. Elle n’y voit encore pas parfaiteme­nt et avec le stress bien légitime de cette épreuve elle a des trous de mémoire. Madeleine a pourtant une fonction qu’elle estime importante et dont elle est très fière : souhaiter les fêtes et les anniversai­res à chacun des membres de sa famille élargie à ses amis et connaissan­ces. Ce qui fait tout de même beaucoup de monde. Elle se charge aussi de rappeler chaque date fatidique aux proches de la personne concernée. Et voilà qu’elle a oublié de souhaiter sa fête à son gendre qu’elle suppose très contrarié par cet oubli impardonna­ble. Un tourment et des regrets qui devenaient obsessionn­els. Devant ce chagrin Mathilde a décidé d’intervenir. Elle s’est renseignée : l’oublié avait-il un mail ? Il y a en effet des cartes de voeux électroniq­ues pour toutes les circonstan­ces y compris celle-là. Devant l’impossibil­ité d’obtenir une réponse, elle a passé plusieurs heures à confection­ner une version papier de ce genre de message, au nom de l’intéressé, en s’inspirant librement d’internet. Sous forme de bande dessinée en accordéon (on ne pouvait lire que deux images d’un coup) c’est l’histoire d’un escargot qui disait : «Plus vite, plus vite, plus vite. - Bonjour... (et le prénom du gendre). - Désolée pour le retard, je suis un peu lente à la détente». L’escargot sort de l’image et dit hors champ : «Ha, au fait... Bonne fête (mieux vaut tard que jamais)». Mathilde a ajouté les mentions «début» et «fin» afin que l’accordéon soit ouvert dans le bon sens. Madeleine a signé et a retrouvé sa sérénité dès que la lettre a été postée. Quant au gendre, si l’oubli de sa belle mère qu’il aime beaucoup ne l’avait pas du tout affecté, il a été très touché de cette attention et l’a chaleureus­ement remerciée. Madeleine en a conclu, avec un sourire jusqu’aux oreilles : «Nous avons bien réussi notre coup» La morale de l’histoire est qu’il faut rester attentif aux proches surtout lorsqu’ils sont fragilisés par l’âge et ou les épreuves et ne pas prendre à la légère des situations qu’on peut estimer anodines alors qu’elles peuvent être traumatisa­ntes. PS. Si vous avez besoin d’une carte de ce genre, dites-le à Mathilde, en indiquant le prénom de l’intéressé et votre adresse. Elle vous en enverra une, bien volontiers.

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