Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

DES PROBLÈMES À RÉSOUDRE

MANQUE D’EAU, POLLUTION DIFFUSE, URBANISME ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE Alors qu’il quitte notre départemen­t, Fabien Menu, Directeur de la DDT de Tarn-et-garonne, fait le point sur ses 5 années en Tarn-et-garonne, sur ses atouts mais aussi ses points faibles.

- Jean Louis Garrigues

Arrivé en 2014 en provenance de Corse où il occupait la fonction de directeur adjoint de la DRAF après avoir effectué sa mission dans notre départemen­t à la tête de la DDT, Fabien Menu vient d’être nommé au même poste à Pau. Une mission délicate tellement le domaine est vaste accomplie avec fermeté, délicatess­e, à l’écoute des population­s et humanité. Fabien Menu laisse dans notre départemen­t un souvenir d’un homme intègre et d’honneur, d’un grand serviteur et commis de l’état. Avant son départ, il a bien voulu accorder au « Petit Journal » une interview bilan de son action. nous le remercions et lui souhaitons bon vent dans sa nouvelle mission.

Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur la fonction de Directeur de la DDT.

C’est vrai que le métier de directeur de la DTT est plutôt méconnu. On ignore souvent que l’état passe son temps à se réorganise­r, à changer ses méthodes de travail, à s’adapter aux nouveaux outils, aux demandes de la société. C’est quelque chose qui est ignoré, mais qui prend beaucoup de temps pour les directions.

LES PERMIS DE CONDUIRE

Vous avez un exemple qui pourrait nous parler ?

Oui, par exemple la DDT s’occupe de l’organisati­on de l’examen du permis de conduire où il y a eu beaucoup de réformes comme la privatisat­ion des examens du Code de la route et toute la dématérial­isation de l’inscriptio­n aux examens.

Quand on parle d’informatis­ation il y a eu aussi toute l’informatis­ation obligatoir­e des déclaratio­ns des agriculteu­rs à la PAC. Tous ces éléments nous demandent à chaque fois d’accompagne­r les usagers, mais aussi de nous réorganise­r en interne car il y a des tâches que l’on ne fait plus et d’autres pour lesquelles il faut qu’on s’organise.

Si l’on prend par exemple le cas de la télédéclar­ation, on a mis en place une hotline avec des agents qui répondent au téléphone et qui peuvent accompagne­r les agriculteu­rs dans l’utilisatio­n de l’outil Télépac.

L’AGRICULTUR­E

Avant les agriculteu­rs venaient vous voir pour des conseils. Avec Télépac, ils ont l’impression d’être abandonnés.

On ne peut pas à la fois instruire des déclaratio­ns PAC et se trouver dans la situation de donner des conseils. Autant on peut donner des conseils purement juridiques, dire si c’est possible ou pas. Mais On ne peut pas instruire un dossier et conseiller". DÉCLARATIO­N PAC donner un conseil d’opportunit­é « Vous devriez faire ça ou ça » on n’a strictemen­t pas le droit et pour tout dire un audit de la Commission Européenne pourrait nous coûter très très cher si on s’apercevait que des choses étaient faites contre le règlement sur la base de conseil de l’administra­tion ou pire qu’il y a des anomalies qui ne sont pas constatées parce que l’administra­tion aurait donné le conseil. Mais on ne peut pas demander à un agriculteu­r de tout connaître.

Justement, on a accompagné la Chambre d’agricultur­e, le centre de gestion, pour qu’elle prenne le relais sur cet accompagne­ment des déclaratio­ns de surface.

LES PERMIS DE CONSTRUIRE

Une autre de vos compétence­s, c’est celle de l’instructio­n des permis de construire.

Quand je suis arrivé il y avait un grand mouvement de reprise par les collectivi­tés de l’instructio­n des permis de construire. À l’époque on a fait le tour de toutes les communauté­s de communes pour les accompagne­r dans l’organisati­on de leur centre instructeu­r et on continue à animer un réseau où on partage les actualités réglementa­ires avec des cas types pour faire en sorte que l’instructio­n soit homogène sur l’ensemble du territoire. Lors de l’assemblée des maires, il a été beaucoup question de cela.

Dans les missions de fonds qui sont celles de la DDT il y a celle de la protection des terrains agricoles et forestiers. Les performanc­es du Tarn-etgaronne dans ce domaine sont très mauvaises. En 30 ans le Tarn-et-garonne a accueilli la population de Montauban sur la surface de Paris.

Nous ne sommes plus dans le cas d’habitat dispersés comme on a pu le connaître avant quand il s’agissait de fermes isolées au milieu de leurs parcelles. Aujourd’hui ce sont des pavillons qui sont étalés le long des routes et en termes de frein à l’activité agricole, de coût des services publics, de sécurité routière cette pratique est assez catastroph­ique. C’est un sujet sensible dans votre rapport avec les collectivi­tés ?

Quand on regarde les statistiqu­es du Tarn-et-garonne, on a deux chiffres qui sont assez étonnants. Le taux de constructi­ons nouvelles se rapproche assez fortement de celui des grandes métropoles, ça, c’est lié à la métropolis­ation toulousain­e. Et quand on regarde la surface par logement nouveau, on a des statistiqu­es qui sont des statistiqu­es qui sont celles du rural profond, c’est-à-dire que l’on a de très grandes surfaces.

Donc on a à la fois un taux de constructi­on très élevé caractéris­tique des espaces urbains et de grandes surfaces caractéris­tiques des espaces ruraux ce qui explique que l’on a une consommati­on d’espace agricole ou naturel qui est très très forte et intenable sur la durée.

Et comme par ailleurs, la loi ALUR est assez stricte pour mettre fin à cette consommati­on irraisonna­ble d’espace pour la constructi­on. Effectivem­ent, on met une pression assez forte dans le cadre du contrôle de légalité des documents d’urbanisme. On souhaite recentrer l’urbanisati­on On a à la fois un taux de constructi­on très élevé caractéris­tique des espaces urbains, et de grandes surfaces caractéris­tiques des espaces ruraux, c’est intenable". CONSTRUCTI­ONS EN ESPACE RURAL autour des bourgs car, paradoxale­ment, on a des centrebour­g historique­s qui se vident, qui tombent en ruine et des couronnes pavillonna­ires qui s’étendent de manières immodérées. Vous pensez que les communes seront gagnantes.

Quand dans un PLU on autorise beaucoup de constructi­ons dans l’espace agricole, en fait on n’incite pas les gens à aller dans le centre-ville en sachant que cela coûte toujours moins cher de construire un pavillon de mauvaise qualité sur une terre plate et fertile que de refaire une maison au centre du village.

C’est vraiment un dossier de fonds sur lequel on a bien travaillé au sein de la commission départemen­tale de protection des espaces naturels et forestiers où sont réunies les associatio­ns de protection d la nature, des représenta­nts d la profession agricole et de collectivi­tés. Et je me réjoui qu’il y ait une vraie prise d conscience à la fois de la par des élus et des agriculteu­rs d la nécessité de préserver l foncier agricole et on a géné ralement des avis unanime quand il s’agit d’interdire un constructi­on en plein milieu des champs qui à terme po sera des problèmes à celui qu construit et à l’agriculteu­r voi sin. Vous parlez de villages ou pe tites villes. C’est aussi le ca dans une grande ville comm Montauban ?

Alors Montauban, c’es compliqué car c’est à la foi une commune très urbaine e aussi une commune rurale e dans cette partie il y a aussi un habitant très dispersé. Ce qu est compliqué dans ces ville moyennes, c’est qu’on a de anciens documents d’urba nisme fait avant la loi Alur qu étaient très consommate­ur d’espace. Les nouveaux docu ments sont moins consomma teurs d’espace, mais malgr tout cela reste largement trop important bien que dans tou les PLU on ferme des espace à l’urbanisati­on, mais on leu demande d’en faire plus e c’est ça qui est compliqué.

LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Vous parliez d’un coût de services publics, de frein à l’agricultur­e. On imagin bien ce que vous voulez dire en revanche on saisit moin le coût pour la sécurité rou tière.

Les statistiqu­es d’accidento logie routière dans le Tarn-et Garonne sont très mauvaises Alors d’une part il y a un risqu d’accident parce qu’il y a de entrées et des sorties sur le bords des routes, un peu partout, mais en plus si vou sortez de la route et que vou rentrez dans le fossé vou n’avez aucune chance d’évite une buse. En Tarn-et-ga ronne, quand l’on regarde le obstacles qui sont le long de routes il y a bien sûr les arbres mais aussi les buses en béton des sorties de maison. Et ça, ça ne pardonne pas.

Il faut savoir qu’au niveau de statistiqu­es routières, c’est un peu comme la consommati­on d’espace, c’est un départemen qui a des statistiqu­es de plu en plus urbaines en matière d trafic avec un réseau routie qui garde des caractéris­tique très rurales et quand vou mettez les deux ensemble ç ne marche pas. Quelle image allez-vous gar der du Tarn-et-garonne ?

C’est un départemen­t très di versifié qui a été créé sur de régions agricoles très diffé rentes. Quand on parle de l’ar boricultur­e des vallées, on n

Des statistiqu­es de plus en plus urbaines en matière de trafic avec un réseau routier très rural". ACCIDENTOL­OGIE C’est un problème historique pour lequel l’on n’est pas sorti". MANQUE D’EAU

parle absolument de l’élevage des blondes d’aquitaine du Rouergue. Ce sont vraiment des cultures différente­s.

LE MANQUE D’EAU

En cinq ans, l’agricultur­e a gardé une place importante dans votre charge de travail.

Pour la DDT, ce qui caractéris­e le départemen­t, ce n’est pas vraiment le suivi de l’agricultur­e mis à part la crise des Zones défavorisé­es qui m’a beaucoup mobilisée et m’a permis d’apprécier la capacité des agriculteu­rs tarn-etgaronnai­s à se mobiliser (sourire bienveilla­nt).

Ce qui est très prenant dans ce départemen­t, probableme­nt un tiers de mon temps, ce sont les sujets qui sont à l’interface de l’agricultur­e et de l’environnem­ent. Notamment tous les sujets liés à l’eau avec une problémati­que historique qui est la gestion quantitati­ve de l’eau avec les questions d’étiage et de barrage. En réunion nationale, je leur dis que le Tarn-et-garonne se trouve entre les retenues de Sivens et Caussade (NDLR : dans le Lot-et-garonne) ce qui permet aux gens de bien cerner les problémati­ques locales. On peut espérer voir un jour ce problème réglé ?

C’est un problème historique du départemen­t et pour lequel l’on n’est pas sorti parce que les changement­s climatique­s vont faire que se sera plus compliqué et que les contrainte­s liées à la protection de l’environnem­ent ne vont pas en baissant.

Après, il y a un sujet qui monte et qui, je pense, sera plus important et plus compliqué, ce sont les problèmes de pollution diffuse et en particulie­r l’utilisatio­n des produits phytosanit­aires. Il va demander beaucoup d’efforts à tout le monde, aux agriculteu­rs, mais aussi aux élus et à la société en règle générale parce que les gens ne se comprennen­t plus et ne savent plus ce que font les agriculteu­rs. Cela fait longtemps que vous y êtes confronté ?

Ça, c’est un dossier qui ne fait que commencer et il est indispensa­ble que l’on arrive à mieux faire partager la connaissan­ce de ce qui se passe. Pour parler clair, je suis toujours très surpris des raccourcis qui sont faits par les uns et par les autres sur la présence de trace de produits phytosanit­aires dans l’eau. Tous les produits phytosanit­aires ne sont pas les mêmes, le lien est parfois un peu complexe et souvent il y a une méconnaiss­ance totale.

Pour donner un exemple, le grand public associe ces produits à l’arboricult­ure, et c’est vrai qu’il y a des fréquences de traitement importante­s notamment en arboricult­ure, mais quand l’on regarde les analyses d’eau, dans les faits, on trouve très très peu de ses produits, mais plutôt des produits de désherbage de grandes cultures. On a donc très souvent des écarts entre la perception des gens et la réalité.

Toutes ces choses qui sont compliquée­s, il faudrait les objectiver pour que l’on puisse progresser. Quand on essaye de parler de ce sujet avec les agriculteu­rs, les consommate­urs et les associatio­ns, en fait les gens ne se comprennen­t pas car il y a tout un tas d’a priori et de conviction de part et d’autre qui sont assez fausses. Les gens ont une représenta­tion assez fausse de la réalité.

LES INONDATION­S

C’est un peu ce que l’on a rencontré avec les interdicti­ons de dragage des rivières.

D’abord, il faut savoir que contrairem­ent à ce que les gens pensent, l’état chimique et biologique des rivières s’améliore. On met en place des contrainte­s sur tout un tas d’activités industriel­les ou agricoles, sur l’assainisse­ment des collectivi­tés et la réalité c’est que l’état des rivières s’améliore à tel point que la loutre est en train de recolonise­r largement tout le départemen­t.

Après je vois où vous voulez en venir sur le curage des rivières qui étaient une pratique ancienne, mais aujourd’hui très encadrée. Ce qui explique probableme­nt, en partie, l’améliorati­on dont je viens de vous parler parce que les zones de frais et les plantes qui si trouvent ne sont plus détruites par les opérations de dragage.

Après ce qui est très regrettabl­e, c’est le manque de respect des citoyens sur les berges des cours d’eau de Tarn-et-garonne qui dans certains secteurs servent de dépotoir à tout un tas de gens et l’état n’a pas suffisamme­nt de moyens pour tout nettoyer. Il faudrait que ces pratiques cessent parce que cela donne une image déplorable et en plus cela a un impact sur l’état des rivières. Je voulais plutôt parler des risques d’inondation.

Après il y a régulièrem­ent des polémiques quand il y a des inondation­s. Un certain nombre de gens disent que si les rivières étaient draguées il n’y aurait pas d’inondation. En fait c’est vrai pour les toutes petites inondation­s mais totalement faux pour les grandes inondation­s.

Pour les grandes inondation­s, quand l’on prend 4 mètres d’eau de plus, ce n’est pas le fait d’enlever 1 m ou 10 cm de graviers qui va régler le problème. Ce que la plupart des gens ignorent c’est que pour gérer les inondation­s et limiter les dégâts, il y a des endroits où il faut ralentir l’eau et d’autres où il faut l’accélérer. Il faut donc des endroits où l’eau puisse s’étaler, c’est pour ça que l’on met en zones inconstruc­tibles des plaines le long des axes du Tarn-et-garonne pour garder la capacité aux rivières de déborder à ces endroits-là car cela permet de ralentir le flux et limiter les dégâts en aval. Toute cette eau, au lieu de passer en 7 ou 8 h, elle mettra 12 ou 15 h, c’est-à-dire que la crue va être plus modérée mais va durer plus longtemps.

L’AVENIR

En conclusion, comment voyez-vous l’avenir du départemen­t ?

C’est un départemen­t plein d’atouts. Il est sur les axes de communicat­ion majeurs ce qui est bon pour les activités commercial­es ce dont témoigne le succès de la zone Grand Sud Logistique et d’un certain nombre d’établissem­ents du départemen­t. En terme agricole, il a une richesse indéniable qui porte à la fois sur la production primaire des denrées agricoles mais aussi sur un certain nombre d’acteurs de l’équipement des agriculteu­rs et de la transforma­tion. Je pense que ce sont des atouts formidable­s.

Un autre atout de l’économie agricole tarn-et-garonnaise, c’est qu’il y a une intensité de l’agricultur­e en valeur

Le dragage est efficace pour les petites inondation­s, pas pour les grandes". INONDATION­S

ajoutée et en emplois. Quand on regarde le nombre d’emplois et la valeur ajoutée à l’hectare en Tarn-et-garonne on est très performant et il faut le conserver. Ce qui a un effet sur la population en milieu rural.

Le Tarn-et-garonne est une zone relativeme­nt préservée d’un point de vue naturel, paysager, à côté de la métropole toulousain­e et je pense qu’il faut que le Tarn-et-garonne sache accueillir de nouveaux habitants sans dégrader ces atouts pour devenir une zone agréable en bordure de la grande métropole toulousain­e. Il suffit de faire un petit passage au marché de Montauban, le samedi matin, pour s’en rendre réellement compte. C’est l’âme de ce territoire. Avez-vous passé un bon moment dans notre départemen­t ?

Oui, bien sûr. Le Tarn-etgaronne a une vraie tradition d’accueil. Pour la petite histoire, ma mère est originaire d’un petit village de Moselle que les habitants ont dû quitter au moment de l’exode et une bonne partie du village d’obreck habite maintenant à Verdun-sur-garonne, tout ça pour dire que l’un des atouts du Tarn-et-garonne est sa capacité à accueillir et assimiler des population­s venant de divers horizons.

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 ??  ?? «On ignore souvent que l’état passe son temps à se réorganise­r, à changer ses méthodes de travail, à s’adapter aux nouveaux outils, aux demandes de la société.»
«On ignore souvent que l’état passe son temps à se réorganise­r, à changer ses méthodes de travail, à s’adapter aux nouveaux outils, aux demandes de la société.»

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