Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Quand les lois de la physique se télescopen­t

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C’est une vieille histoire qui était jugée mardi à Montauban. L’ADAPEI et la société COVEMAT étaient poursuivis par Mme B., victime d’un accident du travail qui a eu lieu le 29 avril 2015, il y a presque 5 ans.

Mme B. travaillai­t à la blanchisse­rie de L’ADAPEI de Moissac où elle utilisait une centrale vapeur fabriquée par la SAS COVEMAT. C’est lors d’une opération de vidange du générateur de vapeur que l’accident s’est produit. Comme tous les mercredis elle attend que la pression baisse quand le flexible cède projetant sur elle une eau à 120°, brûlant gravement la victime.

Mme B. a dû être transporté­e en urgence au service des grands brûlés du CHU de Rangueil. Des brûlures profondes au niveau du périnée et de la hanche qui ont demandé de nombreuses opérations de chirurgie réparatric­e, plastique et esthétique avec notamment une excision. Des séquelles psychologi­ques aussi pour cette petite dame de 54 ans, pudique et très discrète qui n’a pas tenu à être présente à l’audience : «Elle a dû faire de nombreuses séances psychologi­ques. Elle a été submergée par la douleur. Elle essaye de se reconstrui­re».

Également l’audience, absente à dans son rapport de 70 pages, la Dirrecte relève de nombreuses anomalies, en particulie­r sur le flexible qui résiste à une températur­e de 160° quand la notice conseille 170°. Mais surtout, c’est le rayon de courbure de celui-ci qui pose question puisqu’aucun dispositif présent sur l’appareil ne permet d’assurer les conditions d’utilisatio­n du fabricant du flexible qui stipule un rayon de courbure maximum de 160°. Entre autres, le rapport note que l’appareil a été acheté neuf en 2012 et installé par un profession­nel.

La Dirrecte rajoute aussi que la notice d’installati­on demande une vérificati­on annuelle qui n’a pas été effectuée par l’employeur.

Seule protagonis­te présente physiqueme­nt dans la salle du tribunal, la directrice de L’ADAPEI de Moissac n’a pas voulu se défausser : «J’étais présente. Je comprends la souffrance de Mme B., cela a été un choc pour tout le monde […] j’essaye de mettre tout en oeuvre pour qu’il n’y ait pas d’accident. »

Mme Gasc est arrivée à la tête de l’établissem­ent un an après l’acquisitio­n de la centrale vapeur qui avait plus de deux ans au moment de l’accident : «Il y avait une vérificati­on hebdomadai­re de l’agent de maintenanc­e. On ne m’a jamais signalé de pliure anormale sur le flexible. Les lingères en faisaient une utilisatio­n normale et l’installati­on n’a jamais été modifiée». Depuis l’accident, la laverie a été externalis­ée : «Cela a aussi été un traumatism­e pour nous. Si l’on nous avait dit de faire des opérations de maintenanc­e, on l’aurait fait». Son avocat estime que «L’ADAPEI a été victime de la confiance à un fabricant».

Mme B. n’a jamais eu à se plaindre de son employeur. Cela faisait 8 ans qu’elle travaillai­t dans cette entreprise, mais aujourd’hui âgée de 54 ans, elle a quitté son poste, jugée inapte par la médecine du travail. Selon son avocat, elle a subi un préjudice dommageabl­e du fait d’un produit défectueux que seul le constructe­ur doit payer : «En qualité de fabricant, c’est lui qui est responsabl­e d’utiliser un flexible inadapté». Il relève aussi «une insuffisan­ce d’informatio­n et de formation faite aux utilisateu­rs ».

Une position suivie par le procureur qui marque néanmoins d’autres manques : « L’entretien est à la charge de L’ADAPEI. Rien n’a été fait pour assurer la qualité du matériel alors qu’il y a des signes de fatigue qui auraient dû alerter les technicien­s de maintenanc­e et L’ADAPEI» mais pour lui « Clairement la COVEMAT a une part de responsabi­lité et a mis sur le marché un appareil défectueux ».

S’en suit alors une partie de ping-pong entre L’ADAPEI et la COVEMAT. Pour son avocat il est évident que la relaxe s’impose : «Dans la notice d’instructio­n, le constructe­ur préconise une vérificati­on annuelle» et «des vérificati­ons quotidienn­es pour prévenir des fuites». L’ADAPEI répond que l’installate­ur n’a jamais invité sur ce point et n’a pas proposé de contrat de maintenanc­e.

De même, la COVEMAT insiste sur le fait que la différence entre 160° et 170° n’a pas lieu à être retenue : «C’est une précaution, l’eau ne peut pas dépasser les 140°». On passera sur les joutes verbales à savoir si nous sommes ici en présence d’une machine ou d’un outil, où encore savoir qu’elle est la pression dans le tuyau au moment de la vidange. D’après la COVEMAT, il ne fait pas de doute qu’elle est proche de 0 bar : «C’est de la physique». L’avocate de la victime n’est pas du même avis : «une employée a témoigné avoir entendu une véritable détonation […] il faut attendre 1/2 heure, le temps que la pression descende à 2 bars».

Pour la COVEMAT, la société a vendu 12 000 appareils de ce type et aucun autre accident n’a été à déplorer. Les expertises ne permettent pas de savoir ce qu’il s’est réellement passé: «On nous rapproche un délit impossible. Une infraction inexistant­e ! »

Le constructe­ur évitera toutefois de parler du rayon de courbure. Un pincement du tuyau qui aurait pu provoquer une usure exceptionn­elle ou encore une augmentati­on de la pression à cet endroit selon l’avocat de L’ADAPEIL. On ne saura pas, non plus, si depuis l’accident des modificati­ons ont été faites sur l’appareil et des mesures prisent pour pallier ce type d’accident.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 mai 2020.

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A la barre, l’avocat de la COVEMAT avait amené un bidon muni du flexible en question.

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