Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

P. Besnard: « Les chiffres augmentent. Le plus dur reste à venir! »

Crise sanitaire, médecins, confinemen­t, économie, répression… le préfet de Tarn-et-garonne vous en dit plus

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Comment se déroule la journée du préfet de Tarn-et-garonne en cette période de crise jamais vue en France ?

Pierre Besnard - On a mis en place une cellule de crise composée en premier lieu du COD (Centre Opérationn­el Départemen­tal), c’est-à-dire la gestion des Urgences. Une cellule économique et sociale qui gère toute la problémati­que d’aide aux entreprise­s, d’activité partielle, etc. Il y a aussi une cellule dite stratégiqu­e qui fait en sorte que tout puisse tourner : eau, électricit­é, route… tous ces aspects qui permettent de tenir.

Et puis évidemment la cellule sanitaire organisée en plusieurs échelons et pilotée par L’ARS. L’hôpital public et la clinique du Pont de Chaume pour les cas les plus graves. Nous mettons aussi en place des centres Covid de médecine générale avec l’ordre des Médecins en lien avec L’ARS pour qu’il y ait 5 ou 6 centres de ce type dans le départemen­t. Sans oublier une gestion très fine en ce qui concerne les EHPAD (maisons de retraite) pour que chacun ait une équipe soignante à dispositio­n en cas de problème, là aussi avec l’ordre des médecins.

Tous les jours nous fonctionno­ns comme ça avec des synthèses qui sont faites tous les soirs et notre journée est consacrée à régler les problémati­ques comme actuelleme­nt les autorisati­ons de marchés. Quel est votre rôle ?

P. B. - Nous sommes en état d’urgence sanitaire avec la mise en place d’un plan ORSEC qui donne au préfet les pouvoirs de coordinate­ur de la gestion de la crise sur l’ensemble de ces aspects. En gros, on est la tour de contrôle. Comment gérez-vous ces responsabi­lités ? C’est difficile ?

P. B. - Évidemment c’est extrêmemen­t chronophag­e, l’ensemble des services de l’état travaille 24 h/24 en mode continuité avec une cellule qui gère tout ça, pour l’instant en 2x8, mais si la crise perdure elle travailler­a en 3x8 avec des équipes présentes 24 h/24. Autant vous dire que nous sommes fatigués, mais volontaire­s et que l’on tiendra pour la durée de cette épidémie parce que l’on compte sur nous. Finalement, beaucoup se tournent vers nous dans cette période de crise et nous devons la gérer sur tous les aspects.

Y compris d’ailleurs, nous devons préparer la sortie de crise et le redémarrag­e de l’activité. À partir de lundi, nous allons essayer d’organiser un plan de reprise de l’activité en déterminan­t quels sont les chantiers prioritair­es parce que tout ne redeviendr­a pas à la normale en un jour, faut pas rêver. Là aussi, il faut que l’on s’organise, ce n’est pas chacun pour soi.

En effet, on a vu que le secteur du bâtiment venait de signer un accord pour reprendre le chemin des chantiers.

P. B. - Je travaille beaucoup avec le monde économique. Effectivem­ent nous sommes en lien avec tous ce qui touche autour du BTP. J’aurais une nouvelle réunion lundi pour voir quels sont les chantiers qu’il faudrait, à la rigueur, reprendre actuelleme­nt même si l’on sait que les conditions sont extrêmemen­t difficiles. Mais surtout, qu’on détermine la priorité de redémarrag­e des chantiers.

On travaille aussi avec d’autres branches sur d’autres aspects, notamment avec les moyennes et grandes surfaces pour vérifier que tout se passe bien. Et tous les soirs j’ai un point global sur l’ensemble des activités pour voir sur quoi l’on doit avancer avec des journées qui commencent à 6 h du matin jusqu’à pas d’heure.

Et aujourd’hui, dans quel état sont les entreprise­s locales ?

P. B. - Nous travaillon­s principale­ment sur deux points d’urgence, d’abord le chômage partiel, quelles sont les structures qui peuvent continuer à travailler et comment elles peuvent le faire dans de bonnes conditions. Il y a aussi des mesures de soutien pour tout ce qui n’est pas salarié, les indépendan­ts pour qu’ils puissent tenir le coup, y compris en moyens financiers.

Et depuis ce matin, nous avons fait une réunion avec le monde agricole pour soutenir les filières agricoles en s’organisant sur plusieurs points : la mise en place de structures « drive » où les gens pourraient acheter des produits locaux, les dérogation­s sur les marchés, la Chambre d’agricultur­e va mettre en place une vente en gros pour que les petits commerces puissent acheter des produits locaux. Tout ceci concerne le secteur agricole, c’est e train de se mettre en place et sera lancé de manière coordonnée à partir de lundi. Comment jugez-vous l’état d’esprit des acteurs économique­s ?

P. B. - Évidemment la priorité des priorités c’est d’abord le confinemen­t et ensuite garantir la sécurité de ceux qui travaillen­t encore. Il y a évidemment une inquiétude liée au sanitaire et bien sûr on ressent une inquiétude sur la reprise de l’activité et la possible crise économique qui pourrait naître. Mais je vous rappelle que ce n’est pas une pandémie qui touche uniquement la France, elle est mondiale et l’on voit qu’il n’y a quasiment plus aucun pays qui ne soit pas

confiné.

Il y a évidemment de l’inquiétude, mais j’ai aussi relevé une forte responsabi­lité des acteurs économique­s. Vous attendez des retours des profession­nels pour y apporter des réponses ?

P. B. - Beaucoup s’organisent. Toute la journée on est en lien les uns avec les autres. Il y a des entreprise­s qui avaient fermé et qui s’aperçoiven­t que finalement elles peuvent rouvrir. On regarde ça au fur et à mesure. À propos des aides. Elles bénéficier­ont à toutes les branches et toutes les entreprise­s ?

P. B. - Pour l’instant, des aides ont été mises en place. La plupart des ordonnance­s sont sorties au journal officiel hier (jeudi : N.D.L.R.).

Une polémique est née après que la Poste a décidé d’espacer la livraison du courrier. Plus généraleme­nt, comment appréciez-vous les droits de retrait qui ont été exercés ?

P. B. - La Poste comme d’autres entreprise­s ont mis en place un plan de continuité de l’activité qui, forcément, ne se fait pas avec 100 % des salariés. Il y a donc eu une dégradatio­n puisqu’il n’y aurait finalement qu’une distributi­on 3 jours par semaine. Moi, ce que j’ai demandé à la Poste, afin d’éviter les droits de retrait, c’est que les conditions sanitaires soient bien mises en place, ce qui semble être le cas maintenant.

Là où il pourrait y avoir de petites difficulté­s, l’on est en train d’y travailler par ce que cela remonte auprès de petites communes, c’est sur la possibilit­é de distribuer de l’argent auprès des personnes âgées qui n’ont pas forcément de carte bleue et avaient l’habitude, avec leur livret, d’aller à la Poste chercher des sous. On est en train de regarder pour que ces personnes puissent recevoir des liquidités et vivre naturellem­ent. Vous avez dit que la première des priorités c’est le respect des mesures de confinemen­t. Sont-elles bien respectées ?

P. B. - Dans ce départemen­t, on peut dire que c’est très bien respecté. Aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Il y en avait qui confondaie­nt confinemen­t en vacances ou activités de plein air, on s’est donné les moyens, avec un arrêté complément­aire, pour interdire tout ce qui est promenade dans les parcs, les jardins publics, le long des rivières… pour éviter ces petites déviances et c’est plutôt bien suivi.

Nous continuons à mettre des procès-verbaux pour ceux qui ne respectent pas ces conditions. Les contrôles sont toujours aussi importants, mais on constate qu’il y a moins de procès-verbaux puisque les gens respectent de plus en plus les consignes.

Il n’y a donc pas de raison à devenir plus sévère ?

P. B. - Pour l’instant les conditions sont bien respectées. La sévérité pourrait venir de mesures sanitaires supplément­aires demandées par les autorités. Pour l’instant nous n’avons pas de raison de sévir. Il y a une centaine de policiers et un peu plus de gendarmes qui tournent par plusieurs équipes 24 h/24 et nous ne relâchons pas la surveillan­ce.

Il y a moins de cambriolag­es ?

P. B. - Bien sûr. Les gens sont chez eux donc il y a moins de cambriolag­es et moins d’infraction­s routières ce qui permet aux forces de l’ordre de se focaliser sur les contrôles. Les effectifs sont suffisants pour contrôler avec une possibilit­é de réserve, aussi bien en Police que Gendarmeri­e, avec des personnes qui sont prêtes à intervenir en renforceme­nt, mais, comme je l’ai déjà dit, il y a beaucoup moins d’activité judiciaire. Pour l’instant le Tarn-et-garonne semble plutôt épargné par le Covid-19.

P. B. - Alors oui, les chiffres augmentent tous les jours. Les Urgences commencent à avoir un afflux un peu plus important de cas, mais la structure hospitaliè­re est totalement en capacité à recevoir du monde. Il n’y a pas de soucis à cette heure, mais les scientifiq­ues estiment un pic début avril et l’on ne sait à quel niveau l’on sera touché en Tarn-et-garonne d’où l’importance de respecter les mesures de confinemen­t. Quoi qu’il en soit, le plus dur est devant nous, il n’est pas en ce moment.

Le plus dur est à venir.

P. B. - Le plus dur est à venir en espérant qu’il sera le moins dur chez nous.

Vous pensez devoir augmenter les capacités d’accueil ?

P. B. - Pour l’instant la structure est suffisante. Si on est totalement débordé, c’est là que l’on verra pour mettre en place des opérations particuliè­res. Normalemen­t les mesures de confinemen­t font vraiment leur effet ici parce que l’on a eu la chance d’avoir très peu de cas contrairem­ent à ce qui s’est passé en Alsace. Mais évidemment, si nous sommes dans cette hypothèse-là, nous en appellerio­ns à la solidarité nationale avec le transport de certain patient vers des zones moins impacté. Combien de cas ont été testés positifs en Tarn-et-garonne ?

P. B. - Officielle­ment, on doit être autour d’une trentaine, mais l’on sait que beaucoup de gens sont allés voir leur médecin qui a diagnostiq­ué le Covid, mais tant qu’ils n’ont pas de signes graves, pas besoin de se faire détecter ni d’aller à l’hôpital. Il y a donc beaucoup de gens qui sont confinés chez eux, envoyés par leur médecin, mais évidemment le nombre de cas listés sont ceux de l’hôpital et de la clinique du Pont de Chaume.

Ce n’est pas la réalité du terrain, mais le plus important pour nous c’est la gestion du confinemen­t et des cas graves qui contactent le 15. C’est ça la priorité.

On a vu des surfaces de bricolage et des fournisseu­rs en matériaux ont rouvert leurs portes. Est-ce que les particulie­rs peuvent y aller ?

P. B. - Non, c’est ouvert, mais c’est ouvert pour les profession­nels. Il peut y avoir des agriculteu­rs, des gens qui ont des potagers importants, etc., mais pour les particulie­rs, c’est plutôt au magasin de s’organiser pour livrer à domicile dans des conditions sécurisées, mais les magasins sont, pour moi, réservés aux profession­nels. Au niveau des violences conjugales, il semble y en avoir moins.

P. B. - Non, l’on ne peut pas dire qu’il y en ait moins. je pense même qu’il y en a plus, mais le problème c’est que les personnes qui sont en détresse ont moins de facilité pour appeler parce que leur compagnon est dans le coin. Nous essayons de mettre en place un dispositif pour renforcer ce dispositif. Je ne veux pas le dévoiler, mais l’on veut trouver une solution pour que ces personnes ne soient pas mises à l’écart.

Le dispositif contre les violences faites aux femmes est en place, il pourra être renforcé et je le renforcera­i s’il le faut. Les forces de l’ordre sont très mobilisées là-dessus. C’est une priorité du moment en cette période de confinemen­t. Vous avez un message à faire passer ?

P. B. - Le message c’est, comme l’a dit le Président, nous sommes en guerre. Une guerre sanitaire que l’on ne gagnera qu’en respectant les consignes : rester chez soi. C’est ça la priorité des priorités. C’est une crise qui peut durer dans le temps. Les gens sont un peu fatigués, mais il faut résister.

Nous travaillon­s d’abord sur le chômage partiel et sur les mesures de soutien pour les non-salariés On peut dire qu’en Tarn-et-garonne les consignes sont bien respecté Les chiffres augmentent tous les jours mais le plus dur reste à venir

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«La filière agricole s’organise avec la mise en place de structures drive où les gens pourraient acheter des produits locaux, des dérogation­s pour certains marchés, la Chambre d’agricultur­e aussi va mettre en place une vente en gros pour que les petits commerces puissent acheter des produits locaux.»

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