Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

DES APPELS DE DÉTRESSE

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Entretien avec un des acteurs essentiels, au coeur de la crise COVID-19, le Dr Hélène Pizzut, Responsabl­e médical du Centre 15 du SAMU 82 au sein de la Plateforme 3S. Alors que les cas Covid tendent à se stabiliser, le confinemen­t n’est pas sans effet sur la population.

Entretien avec un des acteurs essentiels ,au coeur de la crise COVID-19, le Dr Hélène Pizzut , Responsabl­e médical du Centre 15 du SAMU 82 au sein de la Plateforme 3S : Petit Journal : Avez-vous été débordés par les appels Covid sur le 15 ?

Dr Hélène Pizzut : Le WE du 14/ 15 mars notre régulation du centre 15 a dû encaisser une augmentati­on de 150% … Nous étions au bord de la rupture ! Les médecins généralist­es de la PDS, les médecins urgentiste­s de notre équipe ont manifesté immédiatem­ent leur solidarité et leur engagement pour faire face…

Tous nos personnels ont fait preuve de courage pour répondre présent malgré la fatigue et la crainte pour eux et leur famille face à la menace liée au virus.

Grâce à L’ARS et à la direction du CH Montauban, les effectifs d’assistants de Régulation Médicale et de médecins régulateur­s ont pu être doublés en journée pour faire face à ce volume d’appels sans précédent.

Permettez-moi de saluer les sapeurs-pompiers et les écoutants 115 qui présents sur la Plateforme se sont immédiatem­ent associés pour nous aider. La Plateforme 3S … ? Un exemple de solidarité et de complément­arité ! PJ : Comment va le moral au sein du SAMU 82 et des urgences ?

HP : nous sommes tous complèteme­nt investis dans cette mission.

Le courage de tous les profession­nels de santé, quelle que soit leur catégorie profession­nelle, est exemplaire. D’ ailleurs la population ne s’y trompe pas avec ces marques de soutien exprimées tous les soirs…

Nous sommes très sensibles à ces témoignage­s. PJ : Le type des appels a évolué au fur et à mesure de la pandémie ?

HP : Oui, le début de l’épidémie en France a été marqué par une explosion des appels liés au COVID19 comme dans tous les centres 15. Depuis une semaine, nous observons une diminution des appels directemen­t en lien avec le coronaviru­s . On note aujourd’hui une reprise des appels pour des urgences « convention­nelles » ( malaise cardiaque , AVC…). PJ : En dehors des affections liées au Covid, Est-ce que la régulation est sollicitée pour des cas , notamment liés au confinemen­t ? Depuis deux semaines environ, les gens appellent le SAMU pour exprimer leur détresse, leur solitude…

HP : Oui ! Depuis deux semaines environ, les gens appellent le SAMU pour exprimer leur détresse, leur solitude, leur angoisse face à un avenir incertain…

Les violences intrafamil­iales sont malheureus­ement en augmentati­on.

Les personnes en situation de fragilité, de précarité, sont celles qui subissent de plein fouet cette crise sanitaire. PJ : Le message d’appeler le « 15 » uniquement en cas d’urgence a été respecté ?

HP : Les messages et les recommanda­tions du ministère de la santé ont été très bien suivies par la population. De plus la coordinati­on entre la médecine générale, la permanence de soins et le SAMU ont permis une prise en charge la mieux adaptée possible aux appels d’urgence. Nous avons constaté, chaque jour, l’importance de la plateforme 3S PJ : Cette crise permet de tester l’organisati­on proposée par la plateforme 3S. Que peut-on en dire ?

HP : Le partage des informatio­ns et des compétence­s, la coordinati­on entre les acteurs pour un meilleur service rendu à la population est notre objectif permanent. Le social est, et restera au coeur de cette crise sanitaire majeure ! Le 115 prend, là, encore toute sa dimension dans le traitement de l’urgence de ces situations.

Nous pressentio­ns, depuis la mise en oeuvre de l’expériment­ation, la plus-value de ce « dispositif » en situation de crise. Nous avons constaté, chaque jour, l’importance de cette communicat­ion, de cette collaborat­ion entre des profession­nels qui se connaissen­t et qui sont capables d’élargir leur domaine de compétence pour s’adapter à une situation en constante évolution.

L’organisati­on que nous avons mise en place en Tarn et Garonne pour faire face à la crise sanitaire, cette cellule de coordinati­on médicale COVID82 qui réunit de manière bihebdomad­aire les responsabl­es des urgences de la clinique du Pont de Chaume, les médecins du Conseil Départemen­tal de l’ordre des Médecins , le médecin chef du SDIS82, les responsabl­es des urgences des hôpitaux de Montauban et Moissac et le SAMU, s’inscrit également dans cette démarche de coordinati­on et de collaborat­ion entre profession­nels au coeur de la crise. PJ : Les patients Covid ont-ils composé l’essentiel des entrées aux urgences ?

HP : Nous avons assisté pendant le mois de mars , à une diminution de l’activité dite « traditionn­elle » aux urgences au profit d’un flux important de patients suspects de COVID.. PJ : Observe-t-on une reprise d’activité pour les urgences non Covid? Est-ce un bon signe ? Quelle est aujourd’hui la situation aux urgences ?

HP : Depuis quelques jours, les flux s’inversent avec la réappariti­on de pathologie­s « non COVID » et une ré-augmentati­on du nombre de passages aux urgences.

Les urgences sont bien organisées sur le plan structurel et humain pour faire face à l’admission de patients COVID ou non.

Notre préoccupat­ion permanente est le respect de la protection des personnels et la gestion des flux de patients COVID et non COVID qui ne doivent, en aucun, cas, se croiser.

Les personnels des urgences savent s’adapter chaque jour à une situation susceptibl­e de se modifier rapidement, ils sont en poste, présents au service de la population Tarn et Garonnaise. PJ : Pensez-vous que l’on soit au sommet de la vague?

HP : il est difficile aujourd’hui de vous répondre… On assiste plutôt à une « phase plateau » avec une stabilisat­ion des entrées de patients graves COVID +. Probableme­nt un des effets du confinemen­t. PJ : Avez-vous été débordés ?

HP : Certaines journées ont été difficiles mais nous avons eu la chance de pouvoir anticiper la situation, à la différence de nos confrères et collègues du Grand Est qui ont du faire face à une véritable vague sans préparatio­n possible…

L’excellente coordinati­on avec nos confrères médecins généralist­es, qui sont en 1re ligne , avec leur présence sans faille au centre 15 et auprès des patients en ville, a permis de réguler les flux de patients pour éviter un débordemen­t dans les cliniques et les hôpitaux. L’immunisati­on collective est certaineme­nt moins importante en Tarn-et-garonne PJ : Peu à peu, on voit certaines profession­s reprendre leur activité. C’est préoccupan­t ?

HP : Il est important que la vie sociale et économique reprenne progressiv­ement, les mesures barrières devront être bien respectées. PJ : La grippe est partie, mais voici que les allergies aux pollens arrivent. Peut-il y avoir une confusion avec les symptômes du Covid-19 ?

HP : Les allergies peuvent effectivem­ent générer des symptômes comme de la toux chez les asthmatiqu­es ou bien une altération de la perception des odeurs, que l’on peut retrouver dans une infection au coronaviru­s.

Il convient d’être prudents et de contacter son médecin traitant ou le 15 en cas d’inquiétude, surtout pour les personnes fragiles. PJ : En Tarn-et-garonne, nous avons été relativeme­nt protégés par cette crise, ce qui rend les habitants plus vulnérable­s ?

HP : La circulatio­n virale est effectivem­ent faible dans notre départemen­t, le taux de prélèvemen­ts positifs pour le COVID19 est de l’ordre de 8%.

L’immunisati­on collective est certaineme­nt moins importante que dans le Grand Est ou l’ile de France, régions où le virus circule davantage. PJ : Pensez-vous que l’on va devoir faire face à une « deuxième vague » ? Craignez-vous le 11 mai et l’amorce probable d’un déconfinem­ent ?

HP : La « cinétique » de ce virus est encore mal connue. Il faut rester humble face à cette épidémie. L’inquiétude de se retrouver face à une 2ème vague est dans tous les esprits, la stratégie de déconfinem­ent Il ne faut surtout pas sous-estimer les risques de cette épidémie est confiée à des experts et nous sera précisée dans les semaines à venir.

Dans cette perspectiv­e, nous menons une réflexion commune au sein de la cellule de coordinati­on médicale COVID82 afin de gérer au mieux la situation et de faire face à une nouvelle vague épidémique si c’était le cas. PJ : Allons-nous devoir vivre avec le Covid-19 tout l’été ? Êtes-vous confiante ?

HP : Il ne faut surtout pas sous-estimer les risques de cette épidémie. Pour nous médecins de SAMU , il vaut mieux « surévaluer » les risques du coronaviru­s, comme nous savons le faire en anticipant les situations de crise (attentats terroriste­s, accidents nucléaire, accidents avec de nombreuses victimes… : NDLR)

On doit tenir compte de l’expérience des pays étrangers pour éviter de reproduire les mêmes erreurs…

Nous devons donc rester organisés en conséquenc­e.

J’ai confiance en nous tous pour faire face et protéger le mieux possible la population du Tarn et Garonne.

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«Depuis quelques jours, les flux s’inversent avec la réappariti­on de pathologie­s « non COVID » et une ré-augmentati­on du nombre de passages aux urgences.»

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