Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

«Tirons les 1ères leçons de la crise !»

- Alain Iches Président de la FDSEA 82

Il aura malheureus­ement fallu une crise sanitaire inédite et tragique pour que la place stratégiqu­e de l’agricultur­e française soit appréciée à sa juste valeur.

Je constate incrédule que les agriculteu­rs sont aujourd’hui aux yeux de la population et surtout des pouvoirs publics les pièces maîtresses, le premier maillon d’une chaîne alimentair­e indispensa­ble à la survie de l’espèce humaine comme à l’économie nationale.

Hier encore, nous étions conspués, stigmatisé­s, renvoyés sans ménagement aux bancs des accusés !

Hier encore, nous étions les pires des pollueurs, les 1ers empoisonne­urs, les plus grands massacreur­s d’animaux, nous étions ceux qui empêchaien­t les charmants citadins de savourer les joies paisibles d’une campagne figée. Eh oui, le coq chante, la vache pète, le stockage de l’eau et l’irrigation des sols sont indispensa­bles pour amener une culture à son terme ! Qui oserait encore s’en plaindre ? Certaineme­nt pas les millions de personnes qui guidé par un instinct de survie ont déserté mi-mars les grandes villes pour se réfugier à la campagne !

Aujourd’hui, à l’heure de la crise du coronaviru­s et de la fermeture des frontières, la donne a complèteme­nt changé ! Il semble que la France prenne enfin conscience de la nécessité d’avoir des agriculteu­rs en nombre suffisant capables d’assurer une production nationale diversifié­e à la hauteur de leurs besoins alimentair­es. Nous sommes la deuxième

ligne, cette base arrière qui quelles que soient les époques, les guerres ou crises traversées, a toujours répondu présente pour assurer sa « mission nourricièr­e ».

« La grande armée de l’agricultur­e », silencieus­e et au labeur, est une fois de plus au rendez-vous de l’histoire. Un agriculteu­r ne se confine pas ! On ne lui demandera jamais de s’arrêter de travailler tant son métier est essentiel à la survie de tous.

Pour surmonter cette crise sanitaire et humaine, nous avons besoin de solidarité, d’entraide. Soyons responsabl­es, constructi­fs, bâtisseurs et laissons l’individual­isme, les petites stratégies et récupérati­ons politicien­nes derrière nous.

Cette expérience doit nous faire prendre conscience que toutes les formes d’agricultur­e

ont leur place dans un contexte où il est question de la souveraine­té et de l’indépendan­ce alimentair­es de notre pays ! La qualité mondialeme­nt reconnue de l’agricultur­e française retrouve grâce aux yeux du consommate­ur, et c’est tant mieux ! Pour preuve, l’engouement suscité par les circuits-courts et en particulie­r le « drive fermier 82 ». Pour preuve également le succès rencontré par le marché-interprofe­ssionnel organisé tous les mardi et vendredi sur le site de la Ferme de Bexianis à Montbeton.

Cette expérience doit nous faire prendre conscience que nous sommes la clé de notre avenir. Le succès du marché de Bexianis réside aussi dans la capacité des producteur­s à se regrouper et à regrouper l’offre pour mieux dicter leur prix…un prix qui rémunère ! Ne sous-estimons pas cette force de frappe !

Ce nouveau marché de Bexianis, en lien avec la création d’un atelier de découpe, doit nous conduire à proposer dès demain un plan d’alimentati­on territoria­l pour ouvrir de nouvelles perspectiv­es de débouchés, à commencer par des circuits de proximité et des production­s payées à leur juste valeur, y compris à l’export. La Chambre d’agricultur­e, la Fdsea et les JA de Tarn-et-garonne y travaillen­t déjà.

L’enjeu de structurat­ion territoria­le est incontesta­blement l’une de nos priorités. C’est un des leviers que nous pouvons – et devons - nous-mêmes actionner !

L’autre enjeu majeur de demain, sur lequel nous n’avons pas vraiment la main, c’est la

nouvelle PAC. Sur ce point, nos dirigeants devront se souvenir que l’agricultur­e française et européenne est une arme de guerre mondiale. A l’instar de la santé, notre agricultur­e n’a pas de prix, mais elle a un coût.

Ce cout, c’est celui de la qualité et de la sécurité alimentair­e de nos produits, garants d’une traçabilit­é irréprocha­ble. Les agriculteu­rs français, quoi qu’on en dise, sont exemplaire­s en la matière, avec des critères d’exigence bien supérieurs aux autres pays et notamment à leurs voisins européens.

Ce cout, c’est aussi celui de la main d’oeuvre et des charges sociales plus élevées en France qu’ailleurs, qui génèrent une concurrenc­e déloyale (sans oublier

la sur-administra­tion très franco-française et toute sa paperasse !).

Saluons le travail remarquabl­e, tant il est précieux, des milliers de salariés agricoles, quelle que soit leur origine, qui

font vivre nos exploitati­ons depuis 10, 15 voire 20 ans et plus. Leur fidélité et leurs compétence­s agricoles sont indispensa­bles à la survie de nos exploitati­ons. Car on ne s’improvise pas agriculteu­r ou salarié agricole du jour au lendemain. Cela demande une formation, une expérience et une connaissan­ce poussée du métier. Aurait-on pu imaginer un appel citoyen, sans connaissan­ce prérequise, à la « grande armée de l’aviation » ou « la grande armée de la médecine » ?

En Tarn-et-garonne, premier verger de France, le recours aux salariés agricoles d’origine étrangère, fidèles depuis des décennies et opérationn­els immédiatem­ent, est non négociable ! Nous avons besoin d’eux et de leur connaissan­ce fine du métier.

Je remercie tout spécialeme­nt les personnels de la Chambre d’agricultur­e, de la FDSEA, des JA et d’elvéa 82 qui restent pleinement mobilisés à nos côtés dans cette période difficile.

Enfin, mes derniers mots iront tout droit aux combattant­s de la 1ère ligne (médecins, infirmière­s, aides-soignantes, aides à domicile, ambulancie­rs, sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes, employés de la petite, moyenne et grande distributi­on, etc…). Un grand MERCI à eux !

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