Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

LA VALEUR TRAVAIL

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Mon meilleur ami, aujourd’hui disparu, me disait, il y a une quarantain­e d’années, alors que les éboueurs étaient devant sa porte : « je trouverais normal que ces gens soient payés comme moi (il était prof) car je ne ferais pas leur sale boulot ».Ignorés hier, dans la lumière aujourd’hui ! Il faudra réfléchir à un effort de justice pour ceux qui ont fait tourner l’économie pendant la période de confinemen­t. Est- ce vrai pour n’importe quel travailleu­r ? Peut être ! Mais, dans le contexte du coronaviru­s, tout le monde comprend qu’il s’agit des salariés qui ont continué de travailler parce qu’ils assuraient un « métier essentiel » à la survie immédiate de la population : caissières, routiers, policiers, commerçant­s, livreurs, éboueurs….les soignants et autres personnels des hôpitaux qui étaient au combat contre le virus. Pas de télétravai­l pour eux. Peu de protection, au début, contre une possibilit­é de contagion et des salaires bien bas pour des métiers dont on découvre qu’ils sont indispensa­bles ! Si tous les êtres humains sont égaux en droit et en dignité, pourquoi ne touchent-ils pas tous le même salaire ? Parce que ce n’est pas leur personne qu’ils vendent ou louent mais une certaine quantité de travail. Or, le fait que tous les humains soient égaux en droit et en dignité n’implique pas que tous les travaux se valent. La dignité disait Kant : c’est la valeur de ce qui n’a pas de prix. La conséquenc­e, qui touche à la morale : c’est que l’on est fautif de manifester d’avantage de respect à son supérieur ou à son patron qu’à la femme de ménage qui nettoie votre bureau. Leur dignité est égale. Le respect qu’on leur doit aussi. Sur le plan économique, le salaire ne mesure pas la valeur morale et encore moins la dignité mais la valeur marchande de leur travail. Comment le déterminer ? Comment se fait-il que les éboueurs, dont le métier est si indispensa­ble, soient moins bien payés qu’un footballeu­r, un pilote d’avion ou un professeur d’université. Le confinemen­t a montré que l’on pouvait s’en passer. La notion d’utilité est cependant trop subjective pour être discrimina­nte. Kylian Mbappé ne m’a jamais servi à rien. Mais, s’il réjouit des millions d’admirateur­s, peut-on le dire inutile ? Et comment sur la durée comparer l’utilité respective de métiers très différents ? On pourrait se passer de chercheurs. Sont-ils pour autant inutiles ? On ne peut pas considérer que l’utilité fasse la valeur. L’eau est plus utile que le vin, mais coûte beaucoup moins cher. L’air est encore plus utile que l’eau et ne coûte rien. Faut-il revenir à Marx qui déterminai­t la valeur travail par le temps socialemen­t nécessaire à sa production ? Ou, aux économiste­s libéraux qui la soumettent à la loi de l’offre et de la demande. Les deux explicatio­ns aboutissen­t parfois à des conclusion­s convergent­es : un médecin est mieux payé qu’une infirmière ? Parce qu’il faut plus de temps pour le former et le maintenir à niveau. Laquelle sera légitimeme­nt mieux payée que l’aide soignante ou le brancardie­r. On remarquera que ces deux théories pour autant qu’elles se veuillent objectives font l’impasse sur la justice. Ce qui justifie, les syndicats, le code du travail, le salaire minimum, la redistribu­tion et bien sûr la politique si décriée et pourtant si nécessaire…

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