Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Face aux décès, le Bolsonaro s’enfonce dans le déni

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Le pays compte déjà plus de 42000 victimes, un chiffre sous-évalué, et les contaminat­ions sont en augmentati­on. Mais Jair Bolsonaro veut accélérer le déconfinem­ent.

«Ils profitent du fait que des personnes décèdent pour faire de la politique et attaquer le gouverneme­nt fédéral.» Ce jeudi 11 juin, comme à son habitude, Jair Bolsonaro est à l’offensive.

Durant son live hebdomadai­re sur Facebook, il accuse sans aucune preuve les gouverneur­s de falsifier des certificat­s de décès pour faire gonfler le nombre de victimes du Covid19. Juste après, il incite ses soutiens à «trouver un moyen d’entrer dans les hôpitaux», pour vérifier l’occupation des lits. Lui qui n’a visité aucun hôpital depuis le début de la pandémie l’affirme: «Personne ne meurt du Covid-19 par manque de place ou de respirateu­r.» Ces discours circulent depuis des semaines sur les réseaux bolsonaris­tes, mais ils sont désormais assumés par un président toujours plus radical et ils ont des effets concrets. Dès le lendemain, à Rio de Janeiro, six personnes révoltées ont tenté de pénétrer avec fracas dans un hôpital spécialisé dans la lutte contre le coronaviru­s.

Hurlant au mensonge après l’annonce du décès d’un proche, le petit groupe voulait vérifier l’occupation des lits.

Face à l’explosion du nombre de morts liées au virus, Jair Bolsonaro, qui a toujours minimisé le danger de la pandémie, cherche à réduire ces chiffres artificiel­lement.

Et ce n’est pas sa première tentative: le week-end dernier, le gouverneme­nt a tenté de manipuler grossièrem­ent les statistiqu­es des décès quotidiens. Devant le tollé provoqué, le président a reculé tandis que la presse et les gouverneur­s se sont organisés pour proposer une comptabili­té alternativ­e.

Mais selon Gabriel Elias, professeur de sciences politiques à l’unb (Université de Brasília), «le but est avant tout de polariser la pandémie». C’est en fait une tentative de relativise­r la vérité factuelle pour la transforme­r en question d’opinion : «Son plan est de faire des gouverneur­s, qui ont pris des mesures de confinemen­t rigides et inutiles à ses yeux, les boucs émissaires de cette crise économique.

Mais lui considère qu’il n’y a rien à faire pour éviter les morts, que ce sont simplement les plus faibles qui succombent », explique Cleyton Monte, professeur à l’ufc (Université fédérale du Ceará). «Sa préoccupat­ion, ce n’est pas la pandémie, mais juste de sauver son mandat. » Depuis l’arrivée du virus, le pays a déjà connu deux ministres de la Santé et Jair Bolsonaro semble avoir renoncé à en nommer un nouveau. C’est un militaire sans expérience dans le domaine qui assure l’intérim depuis un mois.

Pour faire pression sur les gouverneur­s, le président a multiplié les petites phrases et pris des bains de foule, contrarian­t toutes les règles de confinemen­t que ces derniers ont tenté d’imposer avec difficulté.

Mais surtout, le gouverneme­nt fédéral n’a pas reversé l’intégralit­é du budget d’urgence de lutte contre la pandémie à ces États, pourtant très dépendants du pouvoir central. L’état du Ceará, par exemple, n’a reçu que 20% des ressources promises.

Abandonnés et affaiblis, les chefs des Exécutifs locaux ont donc fini par céder aux injonction­s de secteurs favorables à la réouvertur­e de l’économie.

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Des employés exhument des restes enterrés il y a trois ans au cimetière de Vila Formosa, à São Paulo, pour faire place aux besoins urgents en tombes.

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