Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

Déboulonne­r les statues pour boulonner l’histoire

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Le débat sur les statues qu’il faudrait déboulonne­r au nom de l’antiracism­e a quelque chose de fascinant.

Fondamenta­lement, l’on peut y voir une manière de remplacer une vérité historique. Si les pétitionna­ires qui exigent le retrait des statue l’emportent, seule la deuxième vérité comptera.

En France, ce débat sur les statues a pris un virage insolite depuis que des manifestan­ts opposés à «l’héritage colonial» ont renversé, en Martinique, des effigies de Victor Schoelcher, le plus célèbre militant de l’abolition de l’esclavage en 1848. «Schoelcher n’est pas notre sauveur », ont précisé les militants dans un communiqué, tout en demandant que cette statue d’homme blanc soit remplacée par celle d’un esclave noir qui partageait le même combat.

Cette manière d’essentiali­ser le débat, de réduire le Blanc au rôle d’oppresseur et le Noir à celui de victime, au motif que la société continue d’accorder au premier des avantages refusés au second, est une tentation de nombreux militants de l’antiracism­e actuel.

Penser ainsi est un refus de la complexité des héritages. Est-il permis de rappeler que la traite négrière a une longue histoire et qu’elle s’est pratiquée sous trois formes? La traite interne menée par des Africains, la traite transsahar­ienne menée par des Arabes, et la traite atlantique menée par les puissances occidental­es. Les chiffres sont difficiles à évaluer, mais ceux que retient Pierrick Pourchasse, professeur à l’université de Bretagne occidental­e, estiment à 14 millions d’esclaves la traite africaine, 17 millions la traite arabe, et 12,5 millions la traite atlantique.

Si tous les esclaves étaient Noirs, tous les esclavagis­tes n’étaient pas Blancs, loin et même très loin de là. Les essentiali­stes de l’antiracism­e sont-ils capables d’intégrer ce petit détail à leurs analyses? Cela dit, comment ne pas avoir un fond de sympathie pour les déboulonne­urs de statues. Sans eux, sans leur activisme et leurs bruyantes revendicat­ions, un couvercle d’indifféren­ce continuera­it à peser sur ces questions. A leur manière, ils font avancer l’histoire mais regardons celà de manière globale, sans oeillères.

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