Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne
Le maire siffle la fin de la récréation
Il était bien tard quand l’affaire passa devant les juges, mais Jérôme Beq, maire de Labastide-saint-pierre, attendra toute l’après-midi dans la salle du tribunal pour être présent au moment où les cinq prévenus devaient répondre des faits qui leur sont reprochés.
Celui-ci s’est porté partie civile, ainsi que neuf gendarmes, pour menaces de mort, violences commises en réunion et outrages à une personne dépositaire de l’autorité publique. Il s’agissait surtout de mettre un terme à une « tradition » : les bagarres lors de la fête du village qui font chaque année la une des journaux locaux.
La fête votive de Labastide n’aura pas lieu cette année pour cause de crise sanitaire. C’est la deuxième fois que les Bastidiens en seront privés puisqu’elles furent aussi annulées en 2014 après celle de 2013 qui s’étaient terminée en pugilat. Les soirées du samedi et dimanche avaient même été annulées.
L’avocate des gendarmes résumera bien la situation : « La bagarre, c’est le temps fort des fêtes de Labastide. En 2013, en 2016, en 2017, en 2018… parfois on va l’annuler. C’est quand même inquiétant, alors que cela devrait être un moment convivial et familial ».
Le ministère public poursuivra : « Il y’a d’un côté une famille qui s’oppose au reste du village. Tout le monde vient pour s’amuser et repart avec des bleus ».
C’est donc un dépôt de plainte pour dire « Stop ! ça suffit ». Les services de gendarmerie sont sur les dents à ce moment-là et ils s’attendent tellement à voir des gens débarquer et s’aviner dans les fêtes du coin qu’il est interdit de prendre du repos : « C’est calé, le PSIG est en renfort et l’on essaye de prévenir comme l’on peut ce qui va inévitablement arriver » témoigne l’avocate des gendarmes « Des incidents avaient déjà eu lieu la semaine auparavant à Bessens. On va aux fêtes du coin pour se faire des gendarmes, les choses sont claires. Ils prennent des insultes, mais ne répliquent pas. On a de la chance du côté des prévenus parce que, peut-être, en d’autres temps ou en d’autres lieux, la réplique aurait été différente. »
Le procureur Emmanuel Ferrand poursuit : « Jamais les gendarmes n’ont été dans la provocation, vous avez de la chance, on est en France, vous n’allez pas vous faire démonter. Allez dans d’autres pays, je pense que cela va être beaucoup plus compliqué ».
Dans l’esprit des prévenus, peut-être pensent-ils que les gendarmes sont là pour ça, se faire insulter, se faire menacer fait partie du jeu, un défouloir comme lorsque l’on brûle le roi en fin de carnaval, mais tout cela n’est pas sans conséquence. Outre l’atteinte à leur honneur et à leur fonction, les militaires doivent faire preuve d’un selfcontrôle extrême pour ne pas répondre avec un moment où l’on encaisse et un autre où l’on décompresse quand l’on rentre chez soi, à son domicile, et la famille doit faire face à cette situation : « cela vient pourrir la vie des familles pendant environ 5 jours ».
Ceci dit, le tribunal cherchera à établir les responsabilités de chacun dans ce chahut où l’on compte les coups de poing donnés deci delà avec toujours la même rhétorique de cours d’école : ce n’est pas moi, c’est l’autre qui a commencé. Tous reconnaissent finalement les faits même s’ils ne jugent pas en être responsables.
L’avocat de Sébastien parlera « d’un sentiment de stigmatisation et de paranoïa (…), l’esprit de clan, de solidarité a joué. On se porte au secours des siens et pas forcément de la bonne manière ».
L’un des prévenus, poursuivi pour outrage et menace de mort envers les gendarmes, témoignera : « je crois que ce soir-là les gendarmes ont été gentils vu ce qu’on leur a dit (…) je tiens à m’en excuser, surtout celui que j’ai traité de sale noir, sale arabe ». « Il s’est laissé dépasser par un effet de groupe et d’alcoolisation », tempèrera son avocate.
Le procureur a requis 8 à 4 mois de détention sous surveillance électronique avec la peine la plus sévère pour Sébastien : « le récurrent des fêtes de Labastide, déjà présent en 2013 ».
Le délibéré sera rendu le 22 septembre prochain.