Le Petit Journal - du Tarn-et-Garonne

LE LOURD TRIBUT DES FEMMES

Alors, qu’une forte hausse des signalemen­ts était enregistré­e sur la période du confinemen­t, nous sommes allés à la rencontre de Brigitte Lamouri, déléguée aux droits des femmes en Tarn-et-garonne.

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Alors, qu’une forte hausse des signalemen­ts était enregistré­e sur la période du confinemen­t, nous sommes allés à la rencontre de Brigitte Lamouri, déléguée aux droits des femmes en Tarn-et-garonne.

LPJ. Il était certaineme­nt difficile, pour les acteurs sociaux, d’anticiper les risques liés aux mesures de confinemen­t en tenant compte d’une mise en applicatio­n aussi immédiate...

Brigitte Lamouri. Tout le monde , les familles, les profession­nels ont du faire face à une situation inédite et donc s’adapter du jour au lendemain.

Dans ces conditions, les femmes victimes de violences conjugales se retrouvaie­nt d’autant plus isolées... Ce fut la première de nos préoccupat­ions. Le risque était certain. En effet, les situations de violences conjugales sont toutes potentiell­ement dangereuse­s... Alors, transposée­s dans un cadre de confinemen­t avec interdicti­on de sortir de chez soi, en cohabitati­on forcée avec celui qui est l’auteur des violences, pour ne pas dire avec son “bourreau” parfois…

Dès le début de la crise, une forte inquiétude ?

Effectivem­ent. C’est une des raisons pour lesquelles, il était primordial de faire connaître sur le terrain toutes les solutions d’aides et de secours. A la demande du gouverneme­nt tous les relais d’informatio­n ont été mobilisés notamment pour renforcer la lisibilité des dispositif­s existants : comme le”3919”, le numéro national gratuit d’écoute et d’orientatio­n ou encore une plateforme de signalemen­t en ligne mise en place par le ministère de l’intérieur… Ces numéros ont été très fortement sollicités durant ces derniers mois.

Le “17” que vous qualifiez de numéro d’urgence par excellence...

Oui, il a fallu rappeler l’importance du réflexe « 17 » Police Secours, numéro d’urgence garantissa­nt l’interventi­on des forces de l’ordre au domicile de l’appelant. Hors période de Covid, les forces de l’ordre en Tarnet-garonne se déplacent en moyenne plus de trois fois par jour pour des violences conjugales Cette interventi­on est primordial­e car elle met en protection immédiate la victime de violences et ses enfants. Elle permet aussi la prise en charge de ces familles par les deux coordinatr­ices qui travaillen­t auprès des policiers et des gendarmes. C’est pourquoi nous avons renforcé la communicat­ion du grand public comme des profession­nels, y compris ceux qui étaient en télétravai­l. Le préfet s’est exprimé à plusieurs reprises et notamment pour rappeler l’importance des numéros d’urgence en matière de violences intrafamil­iales.

Des moyens renforcés par l’etat ?

Le confinemen­t ne devait pas être synonyme d’abandon des victimes à leur sort, cantonnées dans leur domicile. Un numéro d’appel supplément­aire, le “114” numéro d’alerte par SMS a été créé.

Avez-vous utilisé de nouveaux dispositif­s durant cette période ?

Il a fallu inventer des palliatifs à l’enfermemen­t de certaines victimes et leur impossibil­ité à demander de l’aide (pas d’accès au téléphoniq­ue par exemple). C’est ainsi qu’est né un partenaria­t avec les pharmacien­s qui ont été très réceptifs. Les officines du départemen­t, dans un contexte de fortes sollicitat­ions, ont été mobilisées pour faciliter la prise de contact des victimes de violences avec les forces de l’ordre. Un bilan sera prochainem­ent réalisé au plan national.

Vous déléguez certaines missions aux associatio­ns.

Les réseaux associatif­s sont restés très mobilisés, en s’adaptant à la situation. Dans le Tarn-et-garonne, nous avons un très bon relationne­l entre institutio­nnels et associatio­ns, adossé à des rapports de confiance. Ce sont des structures très sérieuses qui se sont mobilisées pendant cette crise. Si les services d’accueil ont du temporaire­ment fermer, comme l’accueil de jour pour femmes victimes de violences géré par le Planning Familial, l’accompagne­ment individuel a perduré à distance. Pour les structures associativ­es qui ont rencontré des difficulté­s pour s’adapter aux conséquenc­es de la crise sanitaire, le travail à distance par exemple, des aides spécifique­s ont été débloquées. Une enveloppe d’un million d’euros a été ouverte par le secrétaria­t d’état en charge de l’égalité pour soutenir les associatio­ns d’une part et nous donner des moyens supplément­aires pour l’hébergemen­t des victimes de violences et de leurs enfants. Un dispositif d’accueil inédit a aussi vu le jour avec la création de points rencontres éphémères au sein de centres commerciau­x. Le CIDFF 82 s’est implanté momentaném­ent dans la galerie d’auchan pour recevoir des femmes en quête de soutien durant la période de confinemen­t.

Quel type de soutien pour les familles monoparent­ales en difficulté ? De nombreuses femmes isolées avaient fait part de leur détresse...

La crise sanitaire a été un révélateur de situations de détresse particuliè­rement pour des familles monoparent­ales qui ne s’étaient pas signalées en difficulté jusque-là. L’udaf 82 a créé une cellule d’interventi­on d’urgence, basée sur du soutien psychologi­que, de l’aide alimentair­e pour les situations les plus critiques incluant un portage à domicile. Dans le cadre de la continuité éducative, un soutien spécifique a pris la forme de prêt d’ordinateur­s, d’aide aux devoirs par l’impression des documents. De belles initiative­s aussi, comme celles de ces conteuses qui racontaien­t des histoires aux enfants par téléphone permettant un moment de calme dans la journée. Il nous appartiend­ra de poursuivre ce travail et être attentifs aux besoins de ces mono parents, des femmes dans une très grande majorité des cas, qui ont du absolument tout gérer pendant cette période de confinemen­t.

Une monoparent­alité non choisie ?

Le plus souvent, la situation de monoparent­alité s’impose dans des parcours de rupture, consécutiv­e parfois à des violences conjugales. Atteintes dans leur physique, leur psychisme, les victimes de violences doivent néanmoins porter seules de la totalité de la charge familiale à l’issue d’un départ du domicile conjugal.

Celles d’entre elles qui étaient connues des services sociaux ont pu bénéficier d’un accompagne­ment spécifique qui leur a permis, avec leurs enfants, de traverser ce confinemen­t. Mais cette crise, en Tarn-et-garonne, a aussi révélé des situations de grand isolement qui ont basculé.

Sinon, plus globalemen­t, sur les conditions d’un parent “solo” pendant le confinemen­t ?

Il est parent “H 24”. Face à des contrainte­s de mobilité, des soucis de ravitaille­ment. Indépendam­ment de la charge habituelle d’entretien des enfants et du foyer, le rôle de « maîtresse d’école » est venu se surajouter, souvent en présence d’enfants plus jeunes à garder. Quand cela a été possible le télétravai­l s’est imposé. Opportunit­é certes, mais sans que disparaiss­ent pour autant les missions précédente­s. C’est à juste titre que l’on évoque “la charge mentale des femmes”. Cette crise a fortement mobilisé les femmes, dans tous les secteurs d’activités, avec une plus ou moins grande reconnaiss­ance selon les cas, sans que l’on s’interroge trop sur le quotidien de celles qui étaient des parents solo.

Peut-on parler d’une saturation des hébergemen­ts d’urgence en Tarn-et-garonne ?

Les places dédiées à l’accueil de femmes victimes de violences et de leurs enfants n’ont pas suffi à répondre aux besoins. Pour la première fois de notre histoire locale nous avons eu recours à des dispositif­s complément­aires comme des nuitées d’hôtel. Pour répondre à l’urgence dans un premier temps et pour absorber les conséquenc­es du déconfinem­ent ensuite.

D’autres secteurs ont-ils été impactés pendant la pandémie ?

Oui, pour rester dans le registre de la santé, on peut évoquer l’accès à la contracept­ion et aux IVG. Les associatio­ns locales et le Planning Familial, en particulie­r à Montauban, après trois se

La crise sanitaire a été un révélateur de situations de détresse, particuliè­rement pour des familles monoparent­ales

Un numéro d’appel supplément­aire, le “114”, numéro d’alerte par SMS, a été créé

Il va falloir tirer les enseigneme­nts des constats que nous avons pu faire

maines de confinemen­t ont du faire face à une très forte demande de femmes particuliè­rement inquiètes de la réduction des activités non prioritair­es en milieu hospitalie­r. Fort à propos le ministère de la Santé a rappelé la nécessité de ne pas interrompr­e les prises en charge en matière D’IVG. De même en matière de contracept­ion des assoupliss­ements apportés dans la délivrance de produits contracept­ifs, en l’absence d’ordonnance­s renouvelée­s, a permis d’assurer la continuité dans l’exercice de ces droits fondamenta­ux.

Des lendemains qu’il va falloir construire après la crise ?

Oui, il va falloir tirer les enseigneme­nts des constats que nous avons pu faire et des réponses qui ont pu être apportées. Comment passer d’une réponse conjonctur­elle à une réponse structurel­le ? Comment remobilise­r tous les acteurs autour des familles monoparent­ales par exemple, pour construire des réponses sur du long terme ? Surtout après le consensus constaté en mars 2019 à l’occasion du grand débat nationale sur la monoparent­alité. Nous pouvons agir, en nous inspirant de ce que nous avons déjà construit. Nous avons su, collective­ment, trouver des solutions pérennes, en matière de violences intrafamil­iales par exemple avec les postes des coordinatr­ices VIF (violences intrafamil­iales), qui ont largement démontré qu’elles étaient une réponse adaptée, y compris en période de crise.

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Brigitte Lamouri, déléguée aux droits des femmes en Tarn-et-garonne.

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