Le Petit Journal - L’hebdo des Hautes-Pyrénées

Un grand moment de solitude

- Alain PAGA

Lorsque son mari est mort, Mathilde a vérifié qu’il avait de nombreux amis mais qu’ils n’étaient pas les siens. Tout le monde lui a tourné le dos à l’exception de quelques-uns qui se comptent sur les doigts d’une seule main et, encore, sans utiliser tous les doigts ! Parmi eux Jacques, dessinateu­r, peintre et sculpteur. Ils habitent à plus de deux cents kilomètres l’un de l’autre. Ils ne se voient pas souvent mais ils se téléphonen­t régulièrem­ent pour prendre des nouvelles et aussi pour parler de ce qui les passionne et dont il ne peuvent s’entretenir avec personne d’autre: les arts. Mais aussi la littératur­e.

La semaine dernière par une journée pluvieuse et froide de cet hiver qui n’en finit pas, alors que Jacques regardait les informatio­ns à la télé, tout s’est éteint dans la maison. Mais vraiment tout puisque maintenant tout est électrique : chauffage, ouverture des stores, du portail, du garage internet, téléphone... Il a pensé que c’était une panne de secteur et a attendu tout l’après midi. Comme le courant ne revenait pas il est allé demander à son voisin s’il avait de la lumière. C’est le fils de la maison qui lui a répondu. «Oui. Allons voir votre compteur». Il a constaté qu’il ne tournait plus. Et, d’après lui, il avait grillé. Il l’a invité à venir chez ses parents pour téléphoner. Il a contacté plusieurs de ses amis qui étaient de la partie et qui lui ont indiqué des astuces pour faire redémarrer le compteur. Sans résultat. Jacques les a remerciés et leur a assuré qu’il en avait vu d’autres. Que le lendemain il irait à la permanence d’EDF pour trouver de l’aide. Ce qu’il fit après avoir dormi dans une maison glacée. Mais le bureau EDF avait été remplacé par une antenne du Gaz. Là il a été accueilli par deux messieurs dont l’un lui a prêté une oreille attentive. Après un coup de téléphone, il a obtenu la visite d’une équipe de dépannage pour l’après-midi même. Un jeune homme est venu le soir et il a remplacé le compteur qui avait brûlé en prenant le temps de répondre à toutes ses questions. En effet Jacques fait partie de ces bâtisseurs qui ont construit leur maison tout seul et dans ce domaine il y a toujours du nouveau à apprendre.

Tout est bien qui finit bien mais cela aurait pu se passer plus mal. Car les personnes qui, comme Jacques, habitent dans des petites communes où les services publics ne sont plus assurés - la mairie ne fonctionne que deux après midi par semaine - peuvent se retrouver soudain perdues comme un naufragé au milieu de la tempête.

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