Le Petit Journal - L'hebdo du Lot-et-Garonne
Des joyaux architecturaux dans un écrin de mystère…
Saviez-vous, par exemple, que Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III et Henri IV avaient été reçus à l’hôtel Monluc ?...
Il serait présomptueux et surtout trompeur de penser connaître le Musée d’Agen jusque dans ses moindres recoins car ce mystérieux ensemble architectural, composé de quatre hôtels particuliers construits à partir de la Renaissance (hôtel d’Estrades, Hôtel de Vaurs, Hôtel Vergès et Hôtel Monluc), n’a pas encore livré tous ses secrets et vous réserve bien des surprises !
Saviez-vous, par exemple, que Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III et Henri IV avaient été reçus à l’hôtel Monluc ? Le Musée a des choses à vous révéler… Tendez l’oreille et ouvrez votre coeur… il est l’heure de remonter les aiguilles du temps et de se replonger, avec Nathalie Lacroix, historienne de l’art, dans un passé tumultueux et surprenant… Abritant des collections de la Préhistoire au XXe siècle, le Musée des Beaux-Arts est considéré comme l’un des plus opulents du Sud-Ouest… Suivez le guide !
Le bâtiment fut implanté sur le premier rempart de la ville, un mur romain datant du IIIe siècle, détruit pendant la Guerre de Cent Ans. Les hôtels seront construits entre la fin du XVe siècle et le milieu du XVIe siècle à proximité du château fort de Montrevel, défenseur de la ville jusqu’au XVIe siècle, remplacé par le Présidial (Tribunal de Justice sous l’Ancien Régime), devenu notre Mairie en 1869. La nouvelle place deviendra, aux XVIe et XVIIe siècle, un forum intellectuel et politique où l’on pouvait s’attarder et où il fallait être vu.
Hôtel d’Estrades ou « la Maison du Roi »
Conçu au début du XVIe siècle, cet hôtel appartient aux d’Estrades, de riches propriétaires terriens. François d’Estrades, gouverneur des enfants d’Henri IV, puis maître d’hôtel de Louis XIII, engendrera deux fils : Godefroi, négociateur favori de Louis XIV, qui signera le traité de Nimègue, et Jean, futur évêque de Condom. Le regard se pose sur la sobriété de la façade constituée de corniches au-dessus des fenêtres avec meneaux et sur cette alternance de lits de pierre et de brique. Le bâtiment, aujourd’hui amputé, comportait alors deux cours.
A gauche de l’escalier d’honneur, toujours présent, se tenait probablement une salle de réception richement décorée pour impressionner les hôtes de marque de François d’Estrades. L’hôtel d’Estrades sera loué, en 1628 au duc d’Epernon, gouverneur de Guyenne, lui valant ainsi le titre de « Maison du Roi » puis vendu aux consuls d’Agen le 8 septembre 1658. Des boiseries réalisées un peu plus tard ont été remontées dans une des salles du Musée. Seront installés de plein pied les bureaux de la maison commune, futur Hôtel de Ville, et le théâtre municipal. Depuis, la rue Molière a été percée à travers une partie des bâtiments et le Théâtre Ducourneau a remplacé une bonne part de l’édifice dont il ne subsiste qu’une aile, devenue l’entrée du Musée.
Hôtel de Vaurs, de l’or architectural
Situé entre la rue Chaudordy et la rue des Juifs, l’hôtel a probablement été construit sur une maison médiévale réagencée par Jacques de Vaurs qui le cédera à Géraud Michel dit Ferron, un riche négociant, en 1566. Jean de Montméjan, conseiller au Présidial et Lescale de Véronne, héritier de Scaliger, seront les futurs acquéreurs. Il est bâti en forme de « L » entre deux cours. Son portail monumental s’ouvre rue des Juifs. Beaucoup de soins ont été apportés à la réalisation de l’entrée via la cour d’honneur, accessible par un portail en plein cintre, par le biais notamment de ses sublimes pilastres ornés de chapiteaux avec volutes, ses fenêtres à meneaux, ses cariatides à torse d’hommes et de femmes, témoignant d’une volonté du propriétaire des lieux de mettre en exergue son niveau social. L’entrée débouche sur un escalier à vis qui desservait les différents appartements. La cuisine ouvrait sur la cour pour accéder au puits. Au rez-de-chaussée de la salle Aboussouan, devait se tenir la salle de réception (à cause de la cheminée). L’hôtel sera vendu à la Municipalité, en 1765, pour être transformé en prison jusqu’à la construction de la nouvelle structure carcérale en 1854.
Hôtel Vergès, une « ordonnance » de bons soins… structuraux
Erigée par Jehan de Vergès, médecin Agenais en 1575, la demeure, située entre l’Hôtel de Vaurs et l’Hôtel Monluc, a été rebâtie par l’époux de sa fille Claude, Caprazzi de Las, procureur du roi. Il se compose de deux corps de bâtiments situés de part et d’autre d’une cour intérieure ; une galerie en forme de « U » établit la jonction d’un bâtiment à l’autre. Ses deux façades datant du XVIe siècle possèdent des fenêtres à meneaux. Une frise, offerte au musée en 1955 par la famille de Xaintrailles, proviendrait très probablement du château de Jeanne d’Albret, mère d’Henri IV, à Casteljaloux. Des arcades devaient courir le long du mur et les cuisines s’ouvraient sur la cour… Audessus de la cour Vergès, trône la salle des Goya. En 1812, la demeure sera vendue et réaménagée en prison jusqu’en 1864. Les nombreuses portes cloutées du Musée des Beaux-Arts témoignent de ce passé carcéral, au même titre que les chaînes, les barreaux et la cellule du sous-sol de l’hôtel de Vaurs. Les cellules ont été converties en salles de minéralogie et de Préhistoire.
Hôtel Monluc : r.o.y.a.l !
Construit au début du XVe siècle, le château appartenait à un receveur de taille condamné à mort dont tous les biens ont été confisqués et sont tombés dans le domaine royal. Henri II offrira l’hôtel à Diane de Poitiers, sa favorite, qui cédera à son tour l’hôtel à Marie Stuart, la reine d’Ecosse au destin tragique. Celle-ci le vendra, en 1563, à Blaise de Monluc, gouverneur de Guyenne, qui délivrera Agen en 1562 de l’occupation des protestants et en 1569, défendra sa ville contre l’armée de Montmorency et des Princes. Il sera récompensé par Henri III qui lui accordera le titre de Maréchal de France. Il cèdera l’hôtel à son fils Jean, évêque de Condom lui aussi, comme Jean d’Estrades. Après diverses tribulations, le Docteur Esquirol, maire de la ville, le fera acquérir en 1971 pour procéder à l’extension du Musée et y installer au rez-de-chaussée le club du troisième âge, aujourd’hui transféré dans d’autres locaux.
Un portail du XVIIIe siècle, situé rue des Juifs, s’ouvre sur sa façade nord en briques et ses deux tourelles. Côté cour, communs et cuisine se partageaient le rez-de-chaussée, les appartements de Blaise de Monluc se situaient au premier étage et la salle d’apparat, au second étage, qui conserve encore son ensemble de baies géminées gothiques. Lors du baptême de sa fille Charlotte-Catherine en 1565, Blaise de Monluc recevra les parrains, la reine Catherine de Médicis, et son fils Charles en présence des futurs Henri III et Henri IV.
Sylvain Dumon, à l’origine du Musée
C’est sous l’impulsion de l’agenais Sylvain Dumon, ministre des Travaux Publics, que le Jardin des Plantes adressera à la société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Agen le premier don composé d’échantillons géologiques, de fossiles et du buste de Lacépède réalisé par David d’Angers. Les dons affluent et le local de la société deviendra trop petit pour les accueillir. Elle offrira ses collections en 1863 à la Municipalité pour éviter les détériorations et suggèrera de réunir les hôtels en vue de créer un musée. Joseph Meynot, maire d’Agen, accepte la proposition et le Musée ouvrira ses portes en 1876. L’entrée principale se situe alors rue des Juifs et non à l’hôtel d’Estrades comme de nos jours. Sa renommée remonte jusqu’à la capitale et Henri Houssaye, historien et critique littéraire, parlera même de lui dans La Revue des
Deux Mondes en 1880 ! Parmi les généreux donateurs, les fondateurs eux-mêmes comme Magen, Thollin, Marraud mais également le comte de Chaudordy, Brondeau de Senelles, Félix Aunac dont le fils Louis, pour respecter les dernières volontés de son père, offrira 15 000 francs or pour la construction d’un bâtiment supplémentaire, sur l’actuelle rue Chaudordy. Le Musée sera rénové durant la Première Guerre Mondiale, en 1917, mais ne subira aucun réaménagement de 1918 à 1932. Le toit menacera de s’effondrer et il sera prioritaire dans les travaux, au même titre que l’ouverture d’une porte entre les hôtels de Vaurs et Vergès. Mademoiselle Labit – future Madame Esquirol – nouvelle conservatrice du Musée dans les années 50, aménagera les bureaux ; les travaux d’embellissement qu’elle commandera permettront de découvrir dans une boîte le coeur embaumé de Boudon de Saint-Amans, botaniste Agenais.
Dans les années 70, elle consacrera une salle aux dons de son défunt époux. Yannick Lintz lui succédera en 1992. La jeune conservatrice fera expertiser les Goya, découvrira le Tintoret dans les réserves et le fera restaurer. Elle orchestrera aussi l’arrivée des collections procheorientales offertes par Camille Aboussouan, qui feront du Musée une référence dans ce domaine. Marie-Dominique Nivière prendra sa suite en 2001, avec la volonté de faire en sorte que les expositions des Jacobins ouvrent le Musée à d’autres disciplines, à l’instar de celles sur l’art tribal, les tapisseries d’Aubusson, l’exposition de Gérard Fromanger, un beau cadeau de départ en retraite pour celle qui aura initié l’ère du 2.0 avec l’apparition des tablettes numériques. Une nouvelle aventure muséale se dessine pour Adrien Enfedaque, conservateur du musée d’Agen depuis décembre 2016, et s’annonce déjà palpitante… ! Visites guidées au Musée tous les jeudis à 15 heures. Prochaine visite prévue jeudi 27 juillet à 15 heures.
Tél. : 05 53 69 47 23 facebook.com/musee.agen instagram.com/musee.age n
Ouvert toute l’année de 10h00 à 12h30 et de 13h30 à 18h00, à l’exception des mardis et des jours fériés.