Le Petit Journal - L'hebdo du Lot-et-Garonne

« J’ai trop d’aigreur »… !

Fermeture de l’atelier Weber

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La rue Grande Horloge va perdre l’un de ses petits bijoux. Bernard Weber, peintre-sculpteur baissera définitive­ment le rideau de son atelier à la fin de l’année.

Brader, un mot presque injurieux pour un artiste mais Bernard Weber ne reviendra pas en arrière. C’est décidé, il ferme boutique à la fin de l’année, non sans regret mais il arrive un moment où il faut savoir prendre les décisions qui s’imposent, même si

l’amertume est là. « Ce n’est pas de bon coeur que j’arrête,

avoue Bernard Weber. Je vais prendre une année sabbatique et continuer à suivre ce que font les collègues ». « Je fais quoi maintenant ? » C’est en 2000 que cet ancien cadre de l’industrie de la tuile, fraîchemen­t retraité, s’est posé cette question un jour où il ne se sentait pas au meilleur de lui-même. Ensuite, tout ira très vite. « Comme je connaissai­s très bien la terre, la cuisson, les émaux…j’ai pris des cours auprès d’un céramiste. Mais ça ne s’est pas très bien passé car j’ai découvert que dans le milieu artistique, on ne partage pas. J’ai commencé par faire des coupelles et des statues. J’ai participé à une première exposition en 2002 au Centre culturel de Boé et cela m’a encouragé à continuer. J’ai acheté un four électrique et j’ai continué à exposer dans le 47 et en Aquitaine ».

LES PREMIERS PAS

La maison du couple Weber, ancienne usine à voile, possédait un local que Bernard Weber a décidé d’utiliser pour ouvrir, en 2007 « La galerie de la Grande Horloge » qui deviendra, en 2008, la Galerie Weber. L’artiste invitera pendant deux mois des peintres et des sculpteurs. Chacun prenait la permanence

à tour de rôle mais le propriétai­re des lieux prendra conscience que les artistes n’aiment pas partager.

« Lorsque quelqu’un venait à la galerie, ils ne montraient que leurs créations, pas les miennes »! D’autres prenaient la galerie pour un salon de thé, tant et si bien que « les gens n’osaient même pas entrer » ! Le deal lui semblait pourtant on ne peut plus correct : « s’ils vendaient une de leurs oeuvres, je récupérais 30 % sur le prix de vente et s’ils vendaient l’une des miennes, ils récupéraie­nt aussi 30 % ! » En 2009, la galerie deviendra l’atelier Weber. « Le problème, c’est que les murs étaient vides ! Je me suis mis à la peinture et au fusing

(travail du verre, ndlr). Je me suis rapproché de Joël Gallo et lui rachetais des déchets de verre. J’ai appris à disposer le verre dans des moules en céramique que je fabriquais. J’associais la céramique et le verre ainsi que de vieux instrument­s de musique. Je me suis spécialisé dans la cuisson raku, une méthode japonaise consistant à effectuer une cuisson où l’on monte à 1 000 degrés, ce qui engendre un choc thermique violent. L’émail craque et donne des reflets dorés et nacrés ».

UN SENTIMENT DE FIERTÉ…

« Tout se que je savais, je le communiqua­is » avoue Bernard Weber. Ses cours ont engendré des vocations et « trois personnes se sont converties dans le travail de

la terre » ! Bernard Weber se lancera dans des activités bénévoles avec des associatio­ns à travers le travail de modelage pour les personnes non-voyantes, les enfants autistes, les patients de la Candélie, le Centre social d’Agen… A partir de 2015, il

partagera son atelier avec des peintres : 13 en 2015, 11 en 2016, 6 en 2017 et… 1 en 2018. « Malgré des conditions attractive­s, cette option est compliquée et peu productive » reconnaît Bernard Weber. Grâce au syndicat d’initiative, la manufactur­e de voile datant de 1765 est devenue l’un des « trésors cachés » de la ville.

Bernard Weber comprendra très vite que dans l’art, il fallait être novateur : ne confection­ner que des pièces uniques et faire en sorte que les prix soient accessible­s au public. « Deux de mes sculptures sont parties aux EtatsUnis mais les achats ont chuté depuis 2004. J’ai eu la chance de m’inscrire dans la durée et de ne pas attendre pour en vivre »!

… ET BEAUCOUP D’AMERTUME

Bernard Weber déplore le manque de reconnaiss­ance de la part de certains créateurs invités. « Les artistes sont très individual­istes et il y a de la jalousie ». Les ventes se sont écroulées depuis 2015. La crise est passée par là, certes, mais « le numérique bloque le budget » déplore-t-il. Si Agen possède la fibre numérique, « la ville n’a pas la fibre culturelle,

constate-t-il avec regret. « Malgré les efforts du service culturel et de son adjointe, Agen n’a pas l’âme artistique… », Bernard Weber faisant notamment référence à la couleur orangée du nouveau parking de la gare, dénaturant, selon lui, le lieu, alors qu’à une époque, la Maison Noire de l’Ermitage avait déclenchée les foudres de certains Agenais. La dégradatio­n de la rue Grande Horloge n’est pas étrangère à sa déconvenue. Il n’oublie pas non plus avoir refusé l’offre alléchante d’un toulousain concernant un tableau qu’il réservait au SUA mais que celui-ci n’a finalement pas acquis. Si Bernard Weber a voulu remettre les pendules à l’heure, il ne décolère pas non plus devant certaines oeuvres d’art moderne qui coûtent une fortune comme le Spacial

Concept, Waiting de Lucio Fontana qui ne représente qu’une toile rouge déchirée ! L’art déraisonne mais les prix grimpent, sauf pour les artistes locaux qui tentent de faire du « beau » à prix dérisoire… Où va l’Art ?

UNE MAIN TENDUE AUX ASSOCIATIO­NS

Les visiteurs pourront désormais pousser les portes de son atelier tous les samedis après-midis de 15h à 19 heures. « Samedi dernier, j’ai vendu un tableau et une

sculpture » se réjouit l’artiste. Le prix de ses oeuvres chute de 30 à 50 %, un choix réfléchi pour définitive­ment tourner cette page artistique de sa vie. Des journées d’ouverture sont proposées aux associatio­ns départemen­tales de bénévoles à vocation sociale, humanitair­e, culturelle… qui pourront se partager les ventes (50 % au profit de leurs actions). Le samedi 13 octobre, les associatio­ns pourront venir faire un repérage des lieux, si elles le souhaitent, en vue d’effectuer des permanence­s. « Attention, prévient Bernard Weber, à compter du 20 octobre, il ne reste plus que sept samedis de disponible ! » L’atelier Weber, dernier souffle de vie qui se dérobe, rue Grande Horloge. « Le temps suspend son vol »… jusqu’à quand ?

Atelier Weber – 45, rue Grande Horloge

Tél. : 05 53 66 92 84.

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Bernard Weber au coeur de son atelier, bientôt en cessation d’activité.

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