Le Petit Journal - L'hebdo du Pays Toulousain
Des terres cultivées
En mars 1686, lors de sa longue tournée des fortifications en construction ou construites par ses soins, Vauban profita de sa venue en Languedoc pour examiner l’oeuvre de Riquet. Admiratif de cette oeuvre il y apporta néanmoins des améliorations en particulier pour éviter l’envasement ou l’ensablement du canal. C’est ainsi qu’il regretta le choix fait par les héritiers de Riquet de faire cultiver les francs bords du canal : la terre labourée glissait dans le lit du canal, l’obstruant peu à peu et amenant à faire des dragages. Mais respecter la recommandation de Vauban de ne pas cultiver les rives aurait privé les Riquet d’une source de revenus non négligeable pour payer les dettes laissées par leur père.
Cependant un mémoire écrit vers 1690 par un proche du fils aîné de Riquet, Jean-
Mathias, indiquait tout le bénéfice qu’on pouvait tirer de l’exploitation des berges par des plantations de mûriers, d’oliviers, de fruitiers… sur
les deux rives du canal. « Quand à l’embellissement que cela produirait, personne n’en peut douter, puisqu’on verrait les deux côtés du canal bordées d’oliviers, mûriers ou arbres fruitiers… et tous ceux qui voyageraient par le canal en admirant l’adresse et l’industrie de tous ces plantements, et leur beauté, ce qui ferait un très bel effet, n’y ayant rien de si beau dans le royaume ».
A partir de 1723 les Riquet interdirent la culture des francs bords. La place était libre pour une nouvelle expérience et, en 1725, le directeur général du canal, M. de Rousset proposait de planter des mûriers (permettant l’élevage très lucratif du ver à soie) de Trèbes à Agde et des ormes de Toulouse à Trèbes. Les ormes, à croissance assez rapide, pouvaient avantageusement se substituer aux chênes pour les divers besoins en bois du canal.
Dans la pratique les plantations furent fort lentes : en 1745 on dénombrait 130 oliviers, 60 mûriers, 64 ormes et 1000 saules, et encore, presque tous étaient dans la « direction régionale du Somail ». Entre 1745 et 1755 les peupliers vinrent avantageusement peupler les rives, le terrain leur étant favorable et leur croissance rapide. Par contre, malgré l’incitation de l’administration provinciale voulant développer les manufactures de soie et les ordres des Riquet, les plantations de mûriers furent un échec en raison de la nature des sols. Les rives restaient désespérément vides de boisements !