Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aude

“Fragments d’une vie bien remplie”

Pierre et Yvonne Carreau

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Un film d’une force inouïe portée par la personnali­té de nos deux héros

« Etre de là, de Fabrezan, c’est être né entre la tour et le clocher. Et tu connais les surnoms de chaque famille. Au monument aux morts il y a peut être le nom de l’un des tiens. Et tu as de l’hospitalit­é

». Ainsi démarre le film par les paroles de Pierrot Carreau.

Né le jour de la Saint Vincent un 22 janvier 1931 à Fabrezan, tout comme sa mère, son grand-père et arrière grand-père. Son père était de Nîmes, mais sa famille était de Fabrezan, expatriée pour des raisons de travail.

« Moi je suis née à Coursan

», témoigne Yvonne. « Mon père était de Fabrezan, mais ma mère de Coursan, mon père a voulu apprendre le métier de boucher, et c’est comme cela qu’il a connu ma mère ».

Yvonne n’a quasiment pas connu sa maman, puisque décédée à seulement 20 ans des suites d’une angine de poitrine. La jeune Yvonne âgée de 13 mois est confiée à sa grand-mère paternelle qui réside à Fabrezan et sa soeur ainée est restée vivre chez sa grand-mère maternelle de Coursan.

Et ainsi, va s’égrener le film de la vie de ce beau couple, Pierrot et Yvonne.

Pierrot qui a l’âge de 8 en 1940 a vu son père repartir, encadré par deux gendarmes en leur suppliant « de ne pas me passer les menottes devant mon fils et ma femme. Je vous suivrez ».

Sa maman lui expliquant que son père était parti en camp de concentrat­ion. Son crime étant d’être engagé politiquem­ent. Adjoint au sein de la municipali­té, aux côtés du Maire Joseph Allégret avec l’étiquette socialo-communiste (juste après le front populaire).

Son père a vécu pendant deux ans dans les camps de Rivel et Saint Sulpice la Pointe.

Sa cousine germaine, pour avoir porté des « tracs » a été prise par la milice, emprisonné à Fresnes puis déportée pendant 5 ans dans un camp en Allemagne, jusqu’à la libération.

Pendant la guerre, la faim !

La faim qui tenaillait le jeune Pierrot, dont la maman n’avait rien à lui donner. à manger « J’allais cueillir des langes de boeuf dans les vignes, ma mère me les faisait bouillir et je partais à l’école avec ça ».

« A son retour, mon père a fait comme tout le monde pour nous nourrir, il a braconné. J’ai encore le goût de ce bonheur de manger un perdreau » dixit Pierrot avec des sanglots dans la voix.

De l’histoire du pain pour Yvonne, que les Allemands mettaient sur la fenêtre, avec interdicti­on par sa grand— mère d’aller le chercher : « mais moi j’y allais quand même.” Et sa grand-mère la grondant d’avoir bravé l’interdit, Yvonne de lui répondre « Et pourquoi tu le manges toi le pain ? ».

Un caractère bien trempé, forgé par le drame de sa maman disparu très jeune, l’horreur de la guerre, les privations.

Les premières amours

« Entre 16 et 17 ans on se fréquentai­t, c’était l’embrassade et c’était tout. On se faisait seulement des bisous »

Du concours de pétanque gagné, en passant par le rugby à Lézignan. Puis sa carrière d’internatio­nal en 1951, le conduisant en Angleterre pour disputer un match de championna­t contre les Anglais : « les Anglais étaient bien plus âgés que nous, et nous avons perdu 22 à 7 ».

La musique

De 1951 à 1954 « je jouais dans l’union Musicale Fabrezanai­se, j’avais opté pour le piston.»

« En 1954, le chef d’orchestre m’a proposé de me donner des cours de solfège. Il m’avait offert son embouchure de piston, qu’il avait gagné en obtenant le 1er prix du conservato­ire de Paris. Trois jours après il était décédé. J’en ai pleuré et j’ai enfermé l’embouchure dans sa boîte et mis fin à la musique ».

La valse et le tango

Pour Yvonne, « j’adorais danser le tango. J’avais un danseur Joseph Moreno qui me disait, quand il y aura un tango, tu lèveras le bras et je viendrais te chercher ».

« A la noce de notre meilleur copain, nous avons gagné le concours de valse sur un guéridon ».

En 1952, la noce

Pierre et Yvonne se marient, car pour Pierre « sans amour on est rien du tout ». Ma femme était une petite nature, elle pesait à peine 47 kg, et avec mes mains je faisais le tout de sa taille ».

Yvonne l’indignée

« La paix, elle n’y sera pas ! Pourquoi on laisse mourir les gens de faim quand on gaspille ».

« Les émigrants, je les plains beaucoup. Ils abandonnen­t tout pour pouvoir trouver la paix ailleurs. On leur bombarde leurs maisons, nous on ferait pareil. Les Espagnols on les a bien accueillis avec leur baluchon ».

« Certains ne savent pas ce que c’est que d’être malheureux. Moi quand je vois ça à la télé, ça me dévore le ventre ».

Epilogue

Pour Pierrot et Yvonne : « il faut s’entraider, il faut s’aimer, avoir de l’amitié, être solidaire. Se comporter dignement pour vivre heureux ».

« On ne voit pas tout, peutêtre que notre voisin est malheureux car il n’a pas ce qu’il faut pour vivre ».

« Il faut avoir une marche droite qui amènera toujours au bonheur et à la prospérité de chacun ».

Une vie dure, une vie de labeur avec son lot d’épreuves, mais une vie emplie d’amour. Merci à Yvonne et Pierrot du bonheur qu’ils ont su offrir à tous les fabrezanai­s et fabrezanai­ses. L’émotion était vive lors et après la diffusion de ce film : leur condensé de vie.

André Dion à travers ce festival, s’est parfaiteme­nt rendre hommage à Fabrezan et à ses habitants. Philippe Audibert le réalisateu­r a parfaiteme­nt réussi ce “Fragments de vie”. Pudeur, tendresse, bonheur, tristesse, malheur, douleur, émotions mélangées sous la dominante de l’amour. Belle initiative également du conseil municipal. A renouveler !

Rendez-vous dans la prochaine édition du 21 septembre pour vivre la suite du Festival Son Miré.

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Pierrot et Yvonne, amour et tendresse toujours

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