Le Petit Journal - L'hebdo local de l'Aveyron
Des geôles libyennes aux portes de l'Europe, improbables retrouvailles sur l'Ocean Viking
Ils s'appellent Taieb, Noman ou Hafiz, se sont connus dans les geôles libyennes, se sont perdus de vue, et le "destin" les a rassemblés sur le navire humanitaire Ocean Viking, qui a recueilli en Méditerranée 180 migrants fuyant essentiellement la Libye. "Ces visages qu'on voit à l'intérieur, on ne les oublie pas", soupire Arslan Ahmid, un Pakistanais de 24 ans, sur le pont du bateau-ambulance qui attendait toujours jeudi de se voir attribuer un port pour débarquer les personnes secourues parfois depuis une semaine. Sur l'embarcation en bois d'une dizaine de mètres dans laquelle les passeurs les avaient entassés, leurs regards n'avaient pas pu se croiser. Et même une fois à bord, entre le masque chirurgical imposé par l'ONG SOS Méditerranée - craintes d'une contagion de coronavirus obligent - et la fatigue extrême des premiers jours, ces improbables retrouvailles ont pris du temps. On les retrouve désormais à l'arrière du bateau, à se taquiner avec quelques mots de vocabulaire commun. Où était cette prison ? L'endroit exact, sur la côte libyenne, leur échappe, mais ils sont unanimes: il y a 4 ou 5 mois encore, ils se croisaient dans la courette où ils prenaient un maigre repas quotidien.
"Il y avait des Libyens, des gens de partout. On se disait bonjour, on se faisait des signes de la tête mais avec l'Érythréen, par exemple, on ne se comprenait pas, je ne parle pas anglais. A l'époque, c'était dur, on baissait vite les yeux. Quand je l'ai revu, je me suis dit que c'était le destin!", poursuit Arslan, qui retrouve peu à peu le sourire, après avoir été emprisonné car il était en situation irrégulière en Libye.