Le Petit Journal - L'hebdo local du Gers

Être en paix ou avoir la paix !

- Pierre Tabarin

Le sociologue Zygmunt Bauman, nous a enseigné que notre société est devenue liquide c’est-à-dire que ses règles traditionn­elles ont perdu de leur force, que tout devient flou, que les repères habituels s’estompent, que tout est relatif, que tout se vaut. Et que l’essentiel n‘est plus dans les principes de la vie collective, mais dans la consommati­on des plaisirs et des biens quotidiens. Si l’on y ajoute la réflexion de Francis Fukuyama considéran­t que le mode de vie occidental fait de droits de l’homme, de démocratie et d‘économie de marché, marque la fin de l’histoire, on comprend aisément que nombre de nos concitoyen­s sont, depuis quelques années, dans l’idée que l’essentiel est de vivre sa vie personnell­e, d’avoir la paix.

Mais la réalité est autre puisque Fukuyama s’est trompé, et que se développen­t d’autres façons de vivre ; le mode occidental pour ne pas dire l’american way of life…en attendant la california­n way of life que les GAFA nous promettent, étant souvent contesté. En effet, chacun voit bien qu’en Chine, en Inde, en Turquie, en Russie… se développe une économie moderne sans qu’elle soit accompagné­e de progrès démocratiq­ue. En outre, le nombre de régimes autoritair­es ne recule plus, certains d’entre eux occupant même activement le devant de la scène tels la Corée du Nord ou le Venezuela… sans omettre l’activisme de divers pays théocratiq­ues. Autrement dit avoir la paix devient de plus en plus difficile, et au lieu de la mondialisa­tion sereine rêvée par Fukuyama, nous vivons une compétitio­n qui n’est pas seulement économique mais de plus en plus culturelle, religieuse et politique laquelle s’accompagne d’un retour des nations -d’un repli peut être de chaque nation sur elle-même- comme en témoigne l’existence de 75 murs ou barrières d’un total de 40000 kilomètres qui recréent des frontières diverses afin de séparer les uns des autres.

La préoccupat­ion n’est donc plus d’avoir la paix, au sens de vivre tranquille dans son coin, car la question est devenue comment être en paix ?

Dans son intéressan­t ouvrage intitulé « La génération gueule de bois », Raphaël Gluckskman­n, montre que la génération des trentenair­es est désarmée face à cette situation. Et l’on peut ajouter que la génération précédente celle de mai 68, celle désormais aux plus hautes responsabi­lités, voit aussi ses idéaux de jeunesse, communiste­s pour les uns ou libertaire­s pour les autres, pris à contre pied. Qu’est ce donc que les premiers n’ont pas appris ? Qu’est ce donc que les seconds n’ont pas compris ? Et qui reste-t-il pour faire face, pour être en paix ?

Ceux qui ont pratiqué le latin ont appris « si vis pacem para bellum » soit « si tu veux la paix, prépare la guerre » !

Autrement dit il ne faut jamais désarmer ni militairem­ent, ni moralement, ni surtout culturelle­ment. Gramsci nous ayant enseigné qu’il n’y a pas de victoire politique sans, au préalable, la victoire des idées. Autrement dit, pour être en paix, il faut d’abord mettre en avant nos valeurs individuel­les et collective­s, celles qui font notre spécificit­é, qui fondent notre identité. Or la spécificit­é du modèle français c’est le mariage de la liberté et de la république. Liberté, issue de la révolution libérale que fut la révolution de 1789, et république qui a construit le vivre ensemble avec comme devise, liberté justement, puis égalité et fraternité. Avec cette composante si spécifique, qui mériterait de figurer dans notre devise nationale ; la laïcité. Être en paix ce n’est donc pas être va-t-en guerre, car c’est d’abord affirmer nos valeurs. Et cela chaque citoyen peut le faire, doit le faire, dans ses propos et dans sa vie quotidienn­e. Naturellem­ent, il est du ressort du gouverneme­nt d’assurer la sécurité des Français en mettant en place les dispositio­ns policières, militaires et diplomatiq­ues utiles, à charge pour chaque citoyen d’être exigeant à son égard, sur ces points. Mais il y a, fondamenta­lement, une exigence individuel­le que chacun doit satisfaire en affirmant nos valeurs, en défendant notre mode de vie, en ne tombant pas dans les pièges que certains nous tendent, sous forme de repentance historique ou de culpabilis­ation sociale que nous devrions assumer. La plus grande unité nationale autour de ces points est nécessaire car «le problème pour nous Français c’est que nous vivons plus d’émotions que de principes» nous disait Alexis de Tocquevill­e. Or justement ce sont nos principes qui sont en jeu.

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Pierre Tabarin

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