Beaucoup de présomptions

La police allemande soupçonne un homme de 43 ans d’avoir enlevé la petite Anglaise Maddie McCann en 2007. La fin de l’itinéraire terrible d’un criminel en série?

D’abord la photo. On s’arrête toujours sur la tête des accusés. On ne voit rien, ou alors on pense voir tout. Les crimes, la perversité, les horreurs. L’image ci-dessus est la dernière de Christian B. Libre. Ses yeux, décrits par une jeune femme comme «bleus éclatants», paraissent éteints, malgré l’essai de sourire. L’image a été diffusée par les enquêteurs, qui cherchent des témoignages. La police britannique en a reçu plusieurs centaines ces derniers jours.

Le cliché a été pris par les carabiniers de Milan, le 27 septembre 2018. Christian B. était en Italie, poursuivi cependant par un mandat d’arrêt européen, parce qu’il avait enfreint les conditions de sa mise à l’épreuve en Allemagne. Il est actuellement incarcéré à Kiel, la capitale du Schleswig- Holstein, au nord de l’Allemagne, condamné pour une histoire de trafic de drogue.

Il est à l’isolement. On le protège de la vengeance des détenus, les prisonniers ayant leur code d’honneur: ceux qui se sont attaqués à des enfants sont détestés.

Christian B. Ne parle pas, ne coopère pas. Il a dû changer d’avocats. Les derniers l’ont laissé tomber il y a quelques jours.

Ensuite, la présomption d’innocence. Elle a rarement plus mal porté son nom.

Christian B. A commis tellement de crimes, il a été si souvent condamné depuis l’adolescence: vols, viols, trafics de drogue, armes, violences, cambriolages, abus sur enfants, tout y est passé. Certes, il n’existe pas de preuve ultime, matérielle, pour que l’on puisse dire que cet homme- là a enlevé et sans doute tué – les enquêteurs allemands pensent l’assassinat probable – Madeleine Beth McCann, qui allait avoir 4 ans. Elle a disparu un soir de mai 2007, durant des vacances en Algarve, à Praia da Luz. Elle dormait avec ses deux petits frères. Ses parents, un couple de médecins anglais, faisaient la fête à 120 mètres. Pas mal de vin, rires, tapas. À 22 heures, Kate McCann, la maman, qui était passée voir si tout allait bien, s’est mise à crier. Elle hurlait ce prénom, devenu celui d’un des plus mystérieux faits divers du XXIe siècle mondialisé: Maddie. Depuis, on la cherche.

Christian B., c’est l’itinéraire d’un criminel en série, sans règles ni méthode, aléatoire, sans spécialité dans la délinquance.

Il est né à Würzburg, Bavière, en 1976. Cela ne se passe pas bien à la maison. Il se retrouve en foyer, puis adopté par une famille du coin: le B. De son nom, ce sont eux.

École secondaire, apprentissage de mécanicien automobile, mais il ne va pas au bout. À 15 ans, première infraction pénale: vol et conduite sans permis. Il est mineur, prend 8 mois avec sursis. Le deuxième crime arrive vite: abus sexuel sur enfant.

Cette fois, il prend 2 ans, mais s’enfuit en 1995 en direction de Lagos, Portugal, avec sa petite amie. Une fois là-bas, il tente de mener une vie normale. Travaux de montage, vente d’auvents et de bâches pour piscines.

Il s’installe finalement dans une maison près de Praia da Luz: le village ou Maddie disparaîtra quelques années plus tard.