Le Petit Journal - L'hebdo local du Lot

Premier Café-Philo de la saison à la Bibliothèq­ue

Neuroscien­ces et psychiatri­e ou l’homme, cet inconnu

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Jeudi 12 novembre, la Bibliothèq­ue municipale de Gramat proposait son rendez-vous Café-Philo de la saison : Neuroscien­ces et psychiatri­e.

Le débat était animé par Jacques Calvet, professeur de Philosophi­e et Éric Piquet, médecin psychiatre.

Dès 20 h 30, le débat a pu commencer devant une salle comble.

Ce sujet riche et complexe a pu être abordé, exploré sous différents angles par les intervenan­ts, mais aussi nourri par les spectateur­s extrêmemen­t érudits et pour certains spécialist­es du sujet.

M. Éric Piquet a longuement présenté le rôle du médecin psychiatre, cette difficile entreprise qui consiste à cerner les problèmes psychiatri­ques des patients qu’il rencontre.

Ces maladies de l’esprit, qu’aucune machine ne peut déceler, détecter et encore moins guérir. La responsabi- lité et la solitude du médecin psychiatre devant la prise de décision d’un diagnostic, le dilemme à interner une personne ou pas, voilà les problémati­ques que rencontre le médecin psychiatre en permanence.

La psychiatri­e, un domaine qui interroge

L’histoire de la psychiatri­e remonte à la nuit des temps. Elle est jalonnée de tâtonnemen­ts et d’erreurs, de souffrance­s et d’incompréhe­nsion. Parce qu’à l’origine le psychiatre était le médecin de l’âme, domaine du mystère et de l’inconnue, notions trop vagues pour notre siècle, la profession s’est transformé­e et a évolué vers le scientifiq­ue, elle s’est vue contrainte de donner des explicatio­ns plus concrètes. Notre époque est en demande de réponses beaucoup plus pragmatiqu­es. Mais dans le domaine de la pensée et de l’esprit, comment discerner la frontière entre la folie et l’excentrici­té, entre la normalité et la perte de réalité ?

Le cursus des médecins psychiatre­s est devenu scientifiq­ue et ne peut plus se contenter d’impression­s ou de conviction­s, mais de diagnostic­s.

M. Éric Piquet souligne qu’aucun soutien extérieur ne vient en aide au médecin psychiatre pour poser un diagnostic, ni examen biologique, ni IRM ou scanner ne viennent soutenir ses dires. Le médecin psychiatre est seul face à ses décisions. Seuls les examens cliniques sont là et toute décision de sa part est suggestive, il n’y a jamais de preuves. Toute la complexité de son travail réside dans ce mystère que représente le cerveau humain et plus largement dans cette énigme qu’incarne notre esprit. C’est là que l’on rejoint la deuxième partie du débat initié par Jacques Calvet, professeur de philosophi­e.

Où se cachent notre esprit, notre pensée ? La neuroscien­ce est-elle la solution ?

Jacques Calvet lance la question fondamenta­le : Où se cache la folie dans notre tête ? La question est vaste et aborde bien entendu des domaines encore inconnus, elle frôle les rivages de la spirituali­té.

Éric Piquet doute que les neuroscien­ces soient une solution aux maladies psychiatri­ques. En effet, comment des machines pourraient-elles déceler des pensées ? Il n’y a pas deux cerveaux identiques, les émotions, les sentiments, tout cela s’inscrit et réside dans le domaine même du mystère tout entier de l’être humain. Il est certain que les réponses sont encore loin. C‘est là que nous retrouvons l’origine de cette médecine : le médecin de l’âme, seul façe à l’inconnu.

L’état de folie ou de maladie mentale se fonde en grande partie sur le regard que la société va lui poser.

D’ailleurs au Moyen-âge, n’enfermions-nous pas toutes les personnes qui ne répondaien­t pas aux normes religieuse­s de l’époque.

« La souffrance, la tristesse, la déprime, le mal-être, les émotions se décèleront-ils sur des machines ? » Certains participan­ts au débat l’espèrent, pourquoi pas, notre époque apporte en permanence des réponses inédites et parfois surprenant­es qui participe à l’avancée phénoménal­e du domaine médical. Éric Piquet doute que la science puisse débusquer la pensée à travers l’écran d’une machine.

La folie a changé d’image et de forme, les asiles ont disparu depuis les années 70, et les lieux de vie des malades sont inclus dans la cité. Les outils pour soigner ont considérab­lement évolué, ont été repensés pour le plus grand bien-être des malades et peu sont internés. Traitement de fond, appartemen­t thérapeuti­que, meilleures écoutes des besoins fondamenta­ux, mais malgré ces outils le médecin psychiatre qui tente de décrypter les pensées demeure bien seul face à ce mystère. Éric Piquet souligne avec justesse, et c’est une conclusion qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion :

« La véritable évolution de la psychiatri­e repose beaucoup sur l’image qu’en a l’opinion publique, la société. ».

La soirée a été ponctuée par un petit en-cas offert par la bibliothèq­ue, pause bienvenue de boissons chaudes et de petits gâteaux, dans cette soirée passionnan­te qui s’est prolongé au-delà de minuit.

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Jacques Calvet et Eric Piquet
 ??  ?? Un débat riche et passionnan­t
Un débat riche et passionnan­t
 ??  ?? Beaucoup de monde pour ce premier café-philo
Beaucoup de monde pour ce premier café-philo

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