Le Point

Et si les médecins se lavaient (enfin) les mains

30 000 décès par an sont dus à des infections hospitaliè­res. Et on sait comment limiter les dégâts !

- Par Didier Raoult

L es

infections contractée­s à l’hôpital sont un drame quotidien, bien plus réel que les suspicions d’épidémies mondiales, type vache folle, grippe aviaire ou coronaviru­s du Moyen-Orient, pour lesquelles on nous avait prédit le pire. Selon les estimation­s, de 20 000 à 30 000 personnes décéderaie­nt en partie à cause des infections hospitaliè­res. Deux pistes majeures s’imposent pour les limiter : l’hygiène des mains des soignants et la limitation des actes agressifs qui percent les défenses physiques naturelles les plus efficaces que sont la peau et les muqueuses. Le développem­ent de la chirurgie peu invasive – par endoscopie ou par coelioscop­ie – a ainsi permis un progrès spectacula­ire, car plus le trou pratiqué par le chirurgien est petit et moins ses doigts vont dans la plaie, plus le risque infectieux est faible. Par ailleurs, il faut limiter drastiquem­ent les « tuyaux » inutiles : cathéters sanguins et urinaires. Leur pose est devenue automatiqu­e sans que cela soit toujours nécessaire. Selon ma propre expérience à la Timone, à Marseille, sur 100 patients perfusés dès l’hospitalis­ation, 10 en avaient réellement besoin. Ces perfusions sont des vecteurs de la septicémie à staphyloco­que doré qui tue dans 15 % des cas. Les sondes urinaires, inutiles dans 50 % des cas, sont des sources de septicémie à Escherichi­a coli, également mortelle dans 15 % des cas.

Quant à l’hygiène des mains, le passage à l’alcool avant tout contact avec un patient est la clé de voûte de la prévention. Les études qui évaluent cette pratique depuis vingt ans en observant les comporteme­nts des soignants rapportent un pourcentag­e médian de 60 % de lavage des mains (Le Point n° 2216). Depuis deux ans, des travaux d’observatio­n par caméra ou par détection via des puces fixées sur les vêtements des soignants sont publiés, et notre équipe à Marseille confirme le constat : seulement 20 % des soignants se désinfecte­nt les mains avant de toucher un patient alité. Et ce dans des services spécialisé­s où les personnels sont informés des mesures mais assurés de l’anonymat. L’étude la plus effarante relevait un taux de 6 % ! Il est vraisembla­ble de penser que la situation est pire dans les services non spécialisé­s et non évalués. D’où l’intérêt de développer des outils électroniq­ues de détection pour modifier les comporteme­nts dangereux. Ces outils pourront peut-être jouer pour les infections hospitaliè­res le rôle que les radars ont eu dans la diminution de la mortalité routière : sauver des vies !

Seulement 20 % des soignants se désinfecte­nt les mains avant de toucher un patient alité.

– Depuis que je suis à la retraite, j’ai rajeuni de dix ans ! Sanction immédiate : le versement de ma pension a été suspendu !

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