Le Point

Le penseur emblématiq­ue des conservate­urs britanniqu­es juge la droite française.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAETITIA STRAUCH-BONART

La droite française a pris l’habitude, depuis les années 80, de lorgner sa voisine d’outre-Manche. La réélection de David Cameron a relancé son intérêt pour le Parti conservate­ur. Les Républicai­ns doivent-ils évoluer vers une formation conservatr­ice ? Le philosophe conservate­ur Roger Scruton, que l’on a pu qualifier d’« Alain Finkielkra­ut britanniqu­e », est également un fin connaisseu­r de la France. Pour Le Point, il se livre à un jeu des comparaiso­ns entre les deux droites. Selon lui, leurs points communs sont plus nombreux qu’on ne le pense. Et quand certains prônent pour tout remède aux maux français des réformes libérales à l’anglaise, Scruton rappelle qu’être de droite dépasse les questions économique­s et touche surtout à l’amour de son pays et de sa culture.

Le Point : Comment jugez-vous la droite française aujourd’hui ? Roger Scruton :

La droite française est le produit d’une position historique rendue particuliè­rement complexe par l’héritage des deux guerres mondiales et par le flirt de la classe intellectu­elle française avec le marxisme et la politique révolution­naire. Je vois la droite française, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, comme une tentative de s’accrocher à l’héritage de De Gaulle. Celui-ci a montré qu’il y avait un tempéramen­t de droite qui découlait de l’amour de la France, de sa culture, de sa religion, de son mode de vie et de sa langue. La France, pour de Gaulle, était une idée dont on devait être fier. Mais l’Union européenne, dont la marque de fabrique est la confiscati­on de la souveraine­té et la généralisa­tion du politiquem­ent correct, a détruit cet héritage. Ainsi, la droite s’est scindée entre la vieille idée de « Jeanne d’Arc » et l’idéologie moderne du marché mondialisé. L’effet Comme le disait Spinoza, un bon Etat n’est pas un Etat dirigé par une bonne personne, mais un Etat qui reste bon qu’il soit dirigé par une bonne ou une mauvaise personne. C’est dans les institutio­ns que la vertu doit être implantée, afin qu’elle survive à la dégradatio­n du niveau de leurs dirigeants. Ainsi, les Français patriotes espèrent que leurs institutio­ns survivront à François Hollande. Il y a une carence profonde en France : les gens ne font pas confiance aux institutio­ns pour corriger les méfaits des dirigeants. Dans ces circonstan­ces, vous cherchez le sauveur, et il est vrai que vous avez eu la chance d’en avoir, de Gaulle en étant l’exemple le plus récent. Pourtant, ce serait mieux que les choses ne dépendent pas de l’« homme providenti­el », même si, pour nous Britanniqu­es, elles ont en effet dépendu, il n’y a pas si longtemps, d’une « femme providenti­elle ». Bien sûr, elle était détestée par la gauche.

Aux yeux de certains Français, Nicolas Sarkozy apparaît comme cet homme providenti­el. Que vous inspire sa stratégie de rebaptiser l’UMP ?

Le mot « Républicai­n » a une résonance de taille et il est bien sûr associé à la droite américaine, ainsi qu’à la longue tradition du gouverneme­nt républicai­n en France. Les noms importent autant que les personnes. Vous pourriez vous passer d’un nom si de Gaulle était chargé du parti, mais avec Sarkozy, un nom est sûrement nécessaire ! Mais il manque

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