La réforme de l’X, symbole de l’élite française, provoque une polémique. Enquête.
Jeudi 11 juin, une chaleur caniculaire écrase les 160 hectares boisés de l’école, le lac artificiel – en forme de bicorne – scintille au soleil, des garçons en sueur quittent les terrains de rugby, des filles jouent au tennis, on sirote çà et là des bières accoudé aux balustrades des casers’ – chambres – tandis que la promotion X13 – les deuxième année – émerge paisiblement des salles d’examen. Ce soir, Carlos Ghosn vient donner une conférence dans l’amphithéâtre. Luxe, calme et volupté sur le campus de la plus prestigieuse école d’ingénieurs de France.
Cinq jours plus tôt, Jean-Yves Le Drian a pourtant annoncé ici une « révolution ». Devant le président de Polytechnique, les professeurs, les nouveaux et anciens élèves solennellement rassemblés pour la remise des drapeaux, le ministre de la Défense a dit souscrire, pour réformer l’X, à l’essentiel des conclusions du rapport que Bernard Attali vient de remettre au gouvernement. Or ces recommandations ne font pas exactement dans la dentelle : suppression de la solde des élèves – actuellement de 880 euros mensuels –, création d’un accès post-bac, suppression du classement de sortie, multiplication par trois des recrutements universitaires, multiplication par quatre du nombre d’élèves internationaux, et surtout regroupement de l’X au sein de l’université Paris Sud, dans un grand ensemble de dix écoles scientifiques appelé « Ecole polytechnique de Paris ». Disparaîtrait, en somme, tout ce qui fait la spécificité de ce fleuron de l’élitisme à la française qui forme depuis deux cents ans des générations de capitaines d’industrie et de serviteurs de l’Etat… C’est peu dire que l’annonce a ému.
Pour rédiger son brûlot, Bernard Attali a auditionné 120 personnalités, d’Emmanuel Macron à Cédric Villani en passant par son propre frère, Jacques, énarque et ancien élève de l’X. Après le rapport de la Cour des comptes fustigeant
N°2 des Républicains PDG du groupe
Dassault En vertu de leur statut d’élèves officiers, les X perçoivent une solde (880 euros par mois) à rembourser, sous le terme de « pantoufle », lorsqu’ils renoncent à servir l’Etat. Or, depuis des années, plus aucun élève ne restituait la somme. Sous l’impulsion de l’école elle-même, une réforme a été engagée et, à partir de la rentrée 2015, le remboursement de la pantoufle est officiellement rétabli. A moins que, comme le préconise Bernard Attali dans son rapport, la solde ne soit tout bonnement supprimée…
PDG d’Altice en 2012 la mauvaise gestion de l’établissement, puis un rapport parlementaire alarmiste du député François Cornut-Gentille (UMP) en 2014, il n’est à vrai dire pas le premier à sonner le tocsin de l’X ancienne mode. Car le paradoxe de Polytechnique, « rêve de toutes les mères » , écrivait déjà Flaubert, c’est le décalage inouï entre sa considérable aura nationale et son absence de visibilité internationale. Située au-delà de la 300e place du classement de Shanghai, à la 61e place du Times Higher Education Rank, à la 35e place du classement QS World University Ranking, notre fierté hexagonale est à des années-lumière de l’Université Stanford, du MIT, d’Oxford et de Cambridge, qui se disputent depuis des années les premières places des classements internationaux. Etre un « X » en France est le sésame absolu, une sorte de signe de reconnaissance, à peu près indiscutable, de la fine fleur de notre pays. « Mais, à l’étranger, quand vous dites que vous avez fait Polytechnique, on vous demande s’il s’agit de l’école de Lausanne » , soupire une ancienne élève.
Or, d e pui s q ui nze a ns , l e « marché » de l’éducation
PDG de Renault-Nissan
Patrons, politiques… Ils ont fait l’X