Pour vivre les émotions des origines, enfoncezvous dans la grande forêt tropicale.
Après dix minutes de piste où un paysan oserait à peine aventurer sa brouette, Zéphyrin fait arrêter le 4 x 4 et nous invite à descendre. Le pisteur au prénom léger comme un soupir commence à se frayer un chemin dans des embarras de jungle. La machette s’attarde ici sur une liane récalcitrante, là sur une branche rebelle, tandis que les yeux scannent la confusion végétale à la recherche d’un indice, une tige cassée, des herbes couchées, des restes de fruits… A ce niveau-là, le pistage n’est plus une technique, mais un art. Zéphyrin poursuit le déchiffrage de sa partition, s’arrête de temps à autre le nez en l’air, histoire de prendre le pouls de la forêt et d’écouter ce qu’elle a à lui dire. Que peut-il bien entendre derrière le grésillement syncopé des insectes, derrière ces stridulations de scierie industrielle et tous ces sons improbables qui vont de l’alarme de réveil au couinement de canard en plastique ? La sueur perle au front, ruisselle dans la nuque et dégouline en impatientes cataractes le long des bras. Soudain, Zéphyrin dresse l’index, se retourne et fait signe d’enfiler les masques hygiéniques. Ils sont là, à vingt mètres à peine ! En hôte délicat, le pisteur annonce notre présence à petits coups de machette attentionnés. Le coeur s’accélère, les yeux furètent dans les ramures, s’écarquillent sur ces sombres silhouettes qui se découpent, massives et rondes comme de gros fruits trop mûrs sur fond de ciel délavé. La tête posée sur son avant-bras, une femelle dévisage les visiteurs d’un air las. D’autres, alanguies dans la fourche d’une branche, poursuivent leur gueuleton de feuilles en toute insouciance. Neptune, un « dos argenté », grand patron de la tribu, interrompt son déjeuner et se laisse glisser le long d’un tronc comme un pompier appelé en urgence. On pense alors au puissant gorille de la chanson de Brassens. L’impétueux primate en voudrait-il à notre