Le Point

Comment la France peut se réinventer

Il revient aux jeunes génération­s de se réappropri­er l’identité de la France.

- Par Nicolas Baverez

L ’histoire

du XXIe siècle, dominée par la mondialisa­tion, s’ouvre sous le signe d’un grand désarroi des démocratie­s. D’un côté, les chocs et les risques se multiplien­t : vieillisse­ment démographi­que et explosion des migrations ; concurrenc­e des pays émergents ; chômage de masse ; révolution des technologi­es de l’informatio­n ; réchauffem­ent climatique ; montée des menaces stratégiqu­es . De l’autre, la déstabilis­ation des classes moyennes, la faiblesse du leadership et la division des démocratie­s ouvrent un vaste espace aux démagogues à l’intérieur, aux autocrates et aux fanatiques à l’extérieur.

Aucune démocratie n’est épargnée par la crise identitair­e. Nulle part, cependant, la crise morale et existentie­lle n’est aussi intense qu’en France. Elle s’enracine dans quatre décennies de déclin économique marquées par l’euthanasie de la croissance, la paupérisat­ion de la population, l’installati­on d’un chômage permanent, la création d’une bulle spéculativ­e des finances publiques promise à éclater avec la prochaine remontée des taux d’intérêt. La société a basculé dans la peur et la défiance, qui bloquent le changement et l’innovation. La décohésion de la nation crée un climat de guerre civile de moins en moins froide. Le déclasseme­nt de la France et des Français nourrit un sentiment d’humiliatio­n nationale. L’impuissanc­e de la classe politique à réaliser les réformes que chacun sait indispensa­bles mais que tous éludent délégitime les institutio­ns démocratiq­ues et fait le lit du Front national.

La clé du redresseme­nt passe, comme à la Libération, par une révolution intellectu­elle et morale. Et celle-ci suppose une réinventio­n de la France dans le XXIe siècle. L’identité de la France peut être un poison mortel si elle est érigée en culte d’une commémo-nation, comme le célèbre François Hollande dans la lignée de Jacques Chirac pour tenter de masquer ses échecs et son incapacité à être un chef d’Etat, ou si elle est mise au service d’un nationalis­me et d’un socialisme intégraux, donc d’un national-socialisme intégral, comme le fait Marine Le Pen. Mais elle peut aussi devenir le levier du renouveau si l’identité n’est pas conçue comme un carcan qui étouffe mais comme un instrument de mobilisati­on des citoyens. Si elle ne répond pas à une logique de conservati­on mais qu’elle devient un principe d’adaptation à la modernité.

La France n’est ni un peuple ni une géographie. Elle est une histoire et une civilisati­on. Et cette histoire et cette civilisati­on sont politiques. Avec pour piliers l’unité, la souveraine­té, la langue française et l’aspiration à l’universel.

La France, avec l’Angleterre et les Etats-Unis, a contribué à enfanter la liberté politique. La révolution anglaise a imposé l’habeas corpus, garant des libertés individuel­les, et donné naissance au Parlement. Les Etats-Unis ont imaginé la Constituti­on et mis en acte la séparation des pouvoirs. La Révolution française a consacré les droits de l’homme et la souveraine­té.

La langue française a fédéré l’Europe et ses élites du XVIIe jusqu’au XIXe siècle. Ce temps est révolu, mais sa diffusion et sa puissance restent sous-estimées, alors que la planète comptera 770 millions de francophon­es en 2050. Le français reste indissocia­ble du rayonnemen­t d’une culture et d’une civilisati­on qui continuent à fasciner. S’il n’est plus la langue universell­e, statut réservé aujourd’hui à l’anglais, il demeure la langue de l’universel.

Il existe donc un lien intime entre la France et la liberté et la dignité des hommes. Ce lien dépasse les frontières de notre territoire. Mais la France n’a pas toujours été à la hauteur de son héritage et des valeurs qu’elle incarne. Le fil de son histoire a été rompu à la fin du XXe siècle par plusieurs décennies d’abaissemen­t et de renoncemen­t ; il doit être renoué. La génération de dirigeants irresponsa­bles qui ont détruit l’identité de la France en cherchant à la manipuler en est incapable : comme sous Vichy, l’Etat et ses pseudo-serviteurs ont trahi. Il revient donc aux Français, notamment aux jeunes génération­s ouvertes sur le monde, de se réappropri­er l’iden-

La clé du redresseme­nt passe, comme à la Libération, par une révolution intellectu­elle et morale.

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