Le Point

On ne naît pas français, on le devient

Est français celui qui apporte sa pierre à l’édificatio­n de la cathédrale France.

- Par Idriss J. Aberkane

La

France est une création humaine. Celle d’une nation, ellemême création fugace de l’humanité. Logiquemen­t, ce n’est pas à la France de créer les Français, mais aux Français de créer la France. Les nationalis­tes, et en particulie­r les totalitari­stes, ont toujours voulu renverser cet ordre sacré et faire du national une création de la nation. Ainsi, être français, ce n’est pas avoir été créé par la France ; être français, c’est vouloir créer la France. Comme dirait le poète soufi Jalâl ud-Dîn Rûmî, « le travailleu­r est caché dans l’atelier » . On ne naît pas français, on le devient.

Alors, comment le devient-on ? Non pas parce que la nation nous a transformé, mais parce que nous consacrons une partie

– Un Français, c’est juste un type comme toi et moi ! de notre vie à la transforma­tion de la nation. Est français quiconque contribue à la France, vaste cathédrale de quinze siècles, en chantier perpétuel, et qui a résisté à plusieurs effondreme­nts. N’est pas français celui qui se contente de la visiter – rien de mal à cela, d’ailleurs –, est français celui qui y a posé une pierre.

Mais, de même que l’on n’a jamais vu une cathédrale créer un homme, jamais un Etat n’a su créer un homme, et ceux qui s’y sont essayés ont été les pires – il suffit de penser au nazisme… En revanche, une cathédrale peut inspirer un homme, et la France doit inspirer les Français. Je suis français depuis quatre génération­s, c’est-à-dire que la France a inspiré mon arrière-grand-père. Elle ne cesse de m’inspirer moi aussi, par son esprit avant tout.

Je me sens français parce que je consacre un peu de la chair de mon existence, du temps, de l’attention… à la cathédrale France. Mais la cathédrale France, comme un être humain, a deux « moi ». Son « Moi véritable » est celui qui dit « donne-moi ce dont j’ai besoin ». Son « Moi-qui-commande », son ego, est celui qui demande « donne-moi ce que je veux ». Si l’on osait une image, le Biafra, c’était le Moi-qui-commande ; de Gaulle prévenant Kennedy des dangers de l’Indochine, c’était le Moi véritable. A l’échelle d’un homme, le Moi-qui-commande peut produire des meurtres et, à l’échelle d’un Etat, les pires abominatio­ns. La différence entre un nationalis­te comme Mussolini et un trésor national vivant comme Gandhi ou Mandela, ce n’est donc pas l’affirmatio­n du Moi national, mais le choix du Moi véritable. Ce dernier est un trésor pour l’humanité, l’autre une calamité.

Plus on participe à créer avec passion la France, plus on est français. Or qu’est-ce que la cathédrale France ? Un trésor pour l’humanité. Toute autre France n’est pas la France. C’est pour elle que je suis français

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