Le Point

« Des mots sur un désarroi »

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Dans « L’identité malheureus­e », paru en 2013, le philosophe a donné son interpréta­tion du malaise français. Il a diagnostiq­ué des troubles identitair­es graves qu’une certaine bonne conscience refuse, selon lui, de voir. Cet essai a lancé un débat, suscité des injures et des éloges, et surtout interpellé la classe politique. Ceux qui critiquent Finkielkra­ut revendique­nt désormais une « identité heureuse ».

Le Point : Deux ans après sa parution, diriez-vous que votre livre « L’identité malheureus­e » a été bien compris ? Alain Finkielkra­ut :

Des journalist­es sérieux et des sociologue­s patentés ont cru déceler dans « L’identité malheureus­e » la présence de thèmes traditiona­listes et nationalis­tes issus de la rhétorique de l’Action française. Mais le livre a été lu malgré cette mise en garde. Et je crois que la plupart des lecteurs ont compris que je n’étais pas un disciple de Maurras, mais que je tentais de mettre des mots sur une inquiétude et un désarroi culturel sans précédent.

Quel est le plus grand malentendu qui subsiste autour de ce livre ?

Le plus grand malentendu, c’est précisémen­t d’avoir voulu ramener Maurras et tout le bataclan, alors que je tâchais de peser le présent sans garde-fou. Je ne dois rien à l’Action française, mais beaucoup à Jean Daniel, et notamment à cette anecdote relatée dans « Comment peut-on être français ? ». Jean Daniel se trouvait en Algérie dans un petit village. Des gens à côté de lui faisaient des projets de voyage. L’un d’eux lui dit : « Il faut qu’on aille dans la société Miloudine. » C’était près de Lyon. « Pourquoi ne dites-vous pas Lyon ? » demande Jean Daniel. « Parce qu’il y a cette société berbère installée là. Il y a d’ailleurs trois voyages par jour entre Sétif et Lyon. » Son interlocut­eur en parlait comme si ce n’était pas la France, mais une partie algérienne de la France qui se trouvait par hasard au-delà de la Méditerran­ée. Conclusion de Jean Daniel : « Ça m’a effrayé de voir que l’intégratio­n avait à ce point échoué qu’on parle de venir dans la France algérienne après avoir connu l’Algérie française. » On me reproche maintenant de partager cette frayeur.

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