« Je suis un corps qui pense en France »
Oui, bien sûr, il faut tout le talent des gens sans talent qui gouvernent actuellement la bienpensance pour penser et affirmer le contraire ! L’école qui forme des illettrés, l’enseignement qui ne parvient plus à recruter assez de professeurs, la gauche qui milite pour la vente d’enfants sous prétexte d’égalité des droits, le socialisme au pouvoir qui déborde l’opposition sur sa droite, la mise au pilori de ceux qui annoncent ce qui va avoir lieu et qui sont rendus responsables de ce qui advient, pour ne prendre que quelques exemples récents : tout cela montre que nous progressons vers l’effacement de ce qui fut. Ce qui fut ? Une école qui croyait au mérite républicain et sélectionnait ainsi ses élites, des élites qui sont aujourd’hui promues par le piston, le copinage et l’inégalité tribale ; des concours qui sélectionnaient les meilleurs enseignants ; la gauche qui prenait le parti des faibles – et qu’y a-t-il de plus faible qu’un enfant ? La même gauche qui célèbre les patrons et condamne la classe ouvrière à la mort sociale – ou à Marine Le Pen ; le respect de l’intellectuel – qu’on se souvienne de De Gaulle avec Sartre : tout cela fait partie d’un monde aboli. Cette abolition n’est suivie d’aucun remplacement. C’est ce qui définit le nihilisme, le maître mot de notre époque.
Michel Onfray :
Vous définissez-vous comme français ?
Bien sûr que oui ! J’aurais du mal à nier être ce que je suis ! Mais je sais que nombreux sont ceux pour qui le réel a moins d’importance que leurs fictions. Je parle français, je vis en France, j’aime la France et je suis accessoirement né en France. Quiconque aime la France, y vit et parle sa langue est français. Vouloir l’être suffit pour l’être. Encore faut-il le vouloir. Pas besoin d’exciper d’un arbre généalogique avec de longues racines… Etre français, c’est une volonté, pas une hématologie.
Vous évoquez souvent vos racines normandes…
Oui, parce que la Normandie n’est pas le contraire de la France ni la France le contraire de la Normandie, des options auxquelles nombre de jacobins ne souscrivent pas… La France est faite de régions, de provinces que Paris ignore, sauf quand elle s’en nourrit. Je ne vois pas la revendication normande comme contradictoire avec la revendication française, au contraire de certains régionalistes qui se disent nationalistes. Je n’ai pas la fibre régionaliste ni nationaliste. En revanche, je revendique le lignage girondin qui souhaite de l’autonomie à l’endroit du pouvoir centralisé. L’autonomie n’est pas l’indépendance : juste l’envie que le contrat qui lie la région à la nation augmente la liberté, la conserve et surtout ne la réduise pas.
Un philosophe est-il réductible à une identité nationale ? N’est-il pas transnational ?