Le Point

Philosophe, auteur de « Cosmos. Une sagesse sans morale » (Flammarion)

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Pour les philosophe­s qui habitent dans le ciel des idées, oui, bien sûr, vous avez raison : dans le ciel des idées on parle le même sabir incompréhe­nsible. Mais ce n’est pas mon cas. J’habite là où je suis, je pense dans les mots qui sont les miens et la langue impose sa loi. La philosophi­e française existe, sauf quand Sartre crée une école phénoménol­ogique française qui singe l’allemand. La tyrannie germanique sur la philosophi­e européenne est terrible ! Avant qu’elle ne s’impose, de Montaigne à Bergson en passant par Pascal et Malebranch­e, Diderot et Voltaire ou Condillac et Maine de Biran, la philosophi­e française est claire et limpide, lisible et compréhens­ible. Cette langue permet moins le concept, une spécificit­é allemande, que la finesse de l’analyse, une spécificit­é française – et l’on pense mieux avec une analyse fine qu’avec un concept obscur. Un philosophe, c’est un corps qui pense dans un lieu et dans un temps. L’institutio­n philosophi­que ne souscrit pas à cette évidence – trop évidente pour elle, donc suspecte… Pas de corps, c’est trivial ; pas de lieu, c’est vichyste ; pas de temps, c’est historicis­ant… Une âme flottant dans le ciel des idées, oui ; mais pas un corps qui pense ! Je suis donc un corps qui pense en Normandie, donc en France, à cheval sur le XXe et le XXIe siècle. Je ne suis donc pas réductible à mon identité nationale, mais mon identité nationale compte pour ce que je suis dans une part impossible à déterminer.

Votre parti pris hédoniste est-il un trait spécifique­ment français ? N’est-il

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