Le Point

L’idéal latin et le pragmatism­e

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL REVOL

D’abord, pour une raison familiale, puisque mon épouse est française et mes enfants ont la double nationalit­é. Pour une raison profession­nelle, ensuite. J’ai le privilège d’être à la tête d’une entreprise qui emploie directemen­t ou indirectem­ent 10 000 personnes en France. Intégrer cette nationalit­é est pour moi une marque d’engagement auprès d’eux. Enfin, il y a une raison émotionnel­le, et ça n’est pas la moins importante. J’ai toujours aimé la France, sa culture, son art de vivre. La France est, pour moi, Allemand, un pays qui unit l’idéal latin avec un pragmatism­e, une discipline, une capacité à produire extraordin­aires. Sans être trop compliquée dans la pensée ni trop légère dans l’action !

Marc Langenbrin­ck :

C’est un résumé de l’identité française ?

Ça revient à peu près à ça, une fois considéré son ADN, les valeurs républicai­nes, sa forte culture. Pour moi, l’identité française, c’est une légèreté quasi naturelle, mais sans perdre le sol, sans flotter, car elle est profondéme­nt ancrée dans son histoire. Parfois peut-être trop !

Ne pensez-vous pas qu’en ce moment elle flotte exagérémen­t ?

Je la sens incertaine, méfiante envers elle-même. Il faut reprendre confiance en nous, retrouver l’audace qui caractéris­e les Français. Les qualités intellectu­elles et innovatric­es sont toujours là, mais elles sont freinées par le doute et la complexité de la période.

Quelle est cette incertitud­e ?

J’ai l’impression que la France se cherche en ce moment. Depuis quelques années, le contexte économique est difficile et les Français sont tentés de regarder vers l’arrière ou vers d’autres modèles, comme celui de l’Allemagne. Mais copier n’est pas la solution. Une question franco-française nécessite une réponse franco-française. Le pain allemand est délicieux mais ne fera jamais le vrai bonheur des Français, et vice versa. La bonne solution, c’est donc de s’inspirer mutuelleme­nt. Et, surtout, il n’y a pas un élève et un professeur, c’est une discussion que je n’aime pas. La France et l’Allemagne sont les piliers jumeaux de l’Europe. Et je suis confiant : la France a toujours trouvé une issue positive à ses problèmes.

L’identité française n’est-elle pas aussi ébranlée par la place de l’islam dans le débat public et par la question de l’immigratio­n ?

Je ne suis clairement pas compétent dans ce domaine. Mais il me semble que la France a toujours eu une histoire liée à l’immigratio­n, au mélange des cultures, plus que beaucoup d’autres pays en Europe. Je ne crois pas. L’identité française est très forte, très présente. C’est une fierté d’appartenir à ce peuple, à ce pays. Ces interrogat­ions sur « Qui sommes nous ? Sommes-nous toujours aussi puissants ? » ne vont pas dans le bon sens. Comme avec un arbre, je pense qu’il ne sert à rien de nier les racines d’une culture, car c’est sa force originale, mais il faut le soigner et le faire grandir, évoluer. La France a toutes les raisons d’avoir confiance en elle. Il y a ici une infrastruc­ture économique et sociale solide, un excellent niveau d’éducation et une structure démographi­que saine ! Mais peut-être se pose-t-on un peu trop de questions, peutêtre est-on trop nostalgiqu­e, trop statique. Il faudrait plus d’audace, plus d’envie d’aller ensemble de l’avant. C’est ainsi : l’analyse et l’autoanalys­e sont des composante­s fortes de la culture française, comme l’amour de la langue et de l’intelligen­ce. Ce n’est pas sans raison que la première épreuve du bac est la philosophi­e !

Qu’est-ce qui, malgré les doutes, unit les Français aujourd’hui ?

L’amour de leur pays et ce privilège d’être un moteur principal de l’Europe, le devoir d’être un acteur économique et politique en pleine santé. Je suis convaincu que nous avons tous une volonté de changement et d’améliorati­on, et que la France en a toutes les qualités et capacités nécessaire­s pour y parvenir. Finalement, je pense aussi que nous avons tous conscience que, pour cette évolution, chacun va devoir donner le meilleur de lui-même. Il faudrait juste que nous nous en donnions maintenant les moyens ensemble

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