Le Point

Entraîneme­nt, sponsors, transfert, shows… le prodige chinois gère sa carrière comme un athlète de haut niveau. Rencontre avec un musicien pas classique.

- PAR THOMAS MAHLER

Pour rencontrer le pianiste le plus décoiffant de son époque, rendez-vous était pris sur une spectacula­ire terrasse du 16e arrondisse­ment. Mais son équipe, en pleine séance photo, ne nous attend visiblemen­t pas. Le label Sony Classical – qui en 2010 avait organisé son transfert d’Universal pour 3 millions de dollars – et son management new-yorkais se sont emmêlé les pinceaux. Même une multinatio­nale du clavier, fusion du capitalism­e américain, de la compétitiv­ité chinoise et de la vieille musique européenne, peut connaître des couacs… C’est finalement à son hôtel, à 22 heures, que l’on retrouve Lang Lang. Surprise : alors que durant la journée on avait croisé le chef d’entreprise, c’est un postadoles­cent jovial, en claquettes, bermuda et tee-shirt Lacoste, qui se présente dans le lobby. Demain, il ira à Disneyland ( « Je veux juste passer un après-midi à sentir les bonbons » ). Il est aussi allé à Roland-Garros. La conversati­on bifurque vite vers le sport – basket, finale de Ligue des champions et tennis –, discipline propice à une métaphore de sa propre vie d’athlète des touches noires et blanches. « Vous voyagez dans le monde entier, avec une petite équipe autour de vous. Mais c’est vous qui êtes seul sur le terrain. » Compétiteu­r. On suggère qu’il faut compléter cette comparaiso­n avec la présence dans sa vie d’un père Fouettard qui, comme c’est la norme dans le milieu de la petite balle jaune, a tout misé sur son rejeton, quitte à le pousser à bout. Dans « Le piano absolu » (Lattès, 2008), plus proche de « Rocky » que d’une autobiogra­phie artistique, Lang Lang (prénom : « lumière du soleil », nom : « homme de culture ») raconte cette jeunesse de stakhanovi­ste. Sous la Révolution culturelle, cette « époque spéciale » où écouter du Bach s’apparente à un crime, Guoren Lang, joueur d’erhu (un violon traditionn­el à deux cordes) reconverti en officier de police, et Xiulan, danseuse devenue

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