Entraînement, sponsors, transfert, shows… le prodige chinois gère sa carrière comme un athlète de haut niveau. Rencontre avec un musicien pas classique.
Pour rencontrer le pianiste le plus décoiffant de son époque, rendez-vous était pris sur une spectaculaire terrasse du 16e arrondissement. Mais son équipe, en pleine séance photo, ne nous attend visiblement pas. Le label Sony Classical – qui en 2010 avait organisé son transfert d’Universal pour 3 millions de dollars – et son management new-yorkais se sont emmêlé les pinceaux. Même une multinationale du clavier, fusion du capitalisme américain, de la compétitivité chinoise et de la vieille musique européenne, peut connaître des couacs… C’est finalement à son hôtel, à 22 heures, que l’on retrouve Lang Lang. Surprise : alors que durant la journée on avait croisé le chef d’entreprise, c’est un postadolescent jovial, en claquettes, bermuda et tee-shirt Lacoste, qui se présente dans le lobby. Demain, il ira à Disneyland ( « Je veux juste passer un après-midi à sentir les bonbons » ). Il est aussi allé à Roland-Garros. La conversation bifurque vite vers le sport – basket, finale de Ligue des champions et tennis –, discipline propice à une métaphore de sa propre vie d’athlète des touches noires et blanches. « Vous voyagez dans le monde entier, avec une petite équipe autour de vous. Mais c’est vous qui êtes seul sur le terrain. » Compétiteur. On suggère qu’il faut compléter cette comparaison avec la présence dans sa vie d’un père Fouettard qui, comme c’est la norme dans le milieu de la petite balle jaune, a tout misé sur son rejeton, quitte à le pousser à bout. Dans « Le piano absolu » (Lattès, 2008), plus proche de « Rocky » que d’une autobiographie artistique, Lang Lang (prénom : « lumière du soleil », nom : « homme de culture ») raconte cette jeunesse de stakhanoviste. Sous la Révolution culturelle, cette « époque spéciale » où écouter du Bach s’apparente à un crime, Guoren Lang, joueur d’erhu (un violon traditionnel à deux cordes) reconverti en officier de police, et Xiulan, danseuse devenue