Debout, la France neuneu !
L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
C’est une maladie qui frappe à droite comme à gauche. Rien ne saurait la guérir, surtout pas les faits, ni même les décapitations islamistes. Ceux qui sont atteints de cette affection deviennent insensibles à tout ce qui se passe autour d’eux. Des zombies qui babillent des formules toutes faites contre les « élites », la mondialisation ou les Etats-Unis. Les nouveaux neuneus ont eu leur heure de gloire lors du lamentable débat autour de la loi sur le renseignement. Un festival de sottises et d’à-peu-près, les palmes revenant aux deux faces du mal français : la gauche de la gauche et la droite de la droite qui, désormais, parlent d’une même voix, en nouveaux croisés de la « démocratie ». Défense d’éclater de rire.
Très à cheval sur les droits de l’homme en France mais pas, bien sûr, dans la Russie de Poutine, devenue leur mère patrie, l’extrême gauche, le FN et tous leurs satellites faisaient front commun contre un « flicage généralisé ». Par pure bonté, on se gardera de citer, après la dernière vague d’attentats islamistes, les grandes consciences qui, y compris à droite, s’inquiétaient avec des trémolos pour nos libertés individuelles.
Faisons néanmoins une exception pour M. DupontAignan, champion du lepénisme light, « Coco boy » de Vladimir Poutine et idole d’« intellectuels » souverainistes comme la zemmourette Natacha Polony. « Le texte va beaucoup trop loin », déclarait-il, inquiet de « son caractère intrusif dans la vie privée des Français », ce qui est en effet une réalité. Il « ne présente pas assez de garanties nécessaires », ajoutait-il avec angoisse, comme s’il ignorait que la technologie permet aujourd’hui, hélas, à tout le monde d’écouter tout le monde. Grandioses furent les éditoriaux contre la loi du « Monde » ou du « New York Times » qu’on a connus, du moins pour ce dernier, mieux inspirés : après tout le sang versé vendredi dernier, notre pitié naturelle nous portera à mettre un mouchoir dessus. Mais faut-il vraiment avoir plus peur de M. Valls que de Daech ? La priorité n’est-elle pas d’éradiquer le terrorisme islamiste qui, à la longue, risque de pourrir nos vies et nos têtes ? Qu’importe si les islamistes agissent à leur guise pourvu que nos petites communications privées, fiscales ou adultérines, ne soient jamais écoutées : telle est la philosophie boutiquière de tant de médias. Sans doute la loi sur le renseignement donne-t-elle beaucoup de latitude à la lutte antiterroriste. Trop ? Quand, s'il plaît à Dieu, Daech (Etat islamique) aura été éradiqué et que la tranquillité sera revenue ici ou ailleurs, il sera toujours temps de revenir sur les dispositions les plus contestées. En attendant, si la presse a un combat à mener, c’est pour le respect du secret des sources qu’une loi sans cesse retardée devrait protéger mais que des journalistes ont malheureusement tendance, ces temps-ci, à balancer allègrement. Mme Taubira se hâte lentement, à reculons de surcroît. Habités par un antiaméricanisme frénétique, les nouveaux neuneus vivent dans un monde irréel et fantasmatique. C’est cette cécité pathologique qui amena leurs ancêtres à tomber dans les panneaux du XXe siècle, du stalinisme au maoïsme. Leurs successeurs font certes moins de mal, qui se contentent de se ventrouiller dans le poutinisme ou dans le culte d’Alexis Tsipras, ce bouffon magnifique, héros du FNPA (contraction du Front national et du Nouveau Parti anticapitaliste). Sans doute cette engeance « angélique » sous-estime-t-elle ce qui nous attend. C’est pourquoi elle est vent debout contre M. Valls quand, entre deux mouvements de menton, il utilise des grands mots. Elle ne cesse de nous mettre en garde contre les amalgames et les stigmatisations. Pardon de stigmatiser, ce vilain péché, mais il devient urgent de s’intéresser de très près au salafisme français, qui ne cesse de marquer des points : sur le terrain, cette obédience qui compte entre 10 000 et 15 000 fidèles dispose désormais de 90 lieux de culte, soit deux fois plus qu’il y a cinq ans. Faut-il interdire toutes les mosquées salafistes, comme le réclame Mme Le Pen ? La question est légitime, mais il faut répondre non, dans la mesure où il y a salafistes et salafistes. D’un côté, les quiétistes ; de l’autre, les djihadistes. Ne pas confondre. Les premiers sont jusqu’à nouvel ordre inoffensifs. Les autres, des fous furieux d’Allah. Mais on ne comprend pas bien ce qui empêche notre République de traiter ces derniers avec cette rigueur impitoyable dont elle fait preuve avec les sectes.
Pour ce faire, il faudrait au moins avoir les idées claires. Ce n’est pas encore le cas pour tout le monde. Si la France est devenue ce grand corps malade qui fait peur à ses gouvernants, c’est autant à cause de son peuple à cran que la faute à la doxa répandue par les nouveaux agents de police de l’idéologie dominante : ils n’ont plus la fierté d’être français et poussent des cris d’orfraie devant la moindre mesure dite sécuritaire.
Ils n’ont pas compris qu’il n’y a pas de démocratie sans sécurité et que celle-ci a un prix