Le Point

La bande à Basile

Après « Gomorra », Matteo Garrone livre la clé de tous les contes de fées dans « Tale of Tales ».

- THOMAS MAHLER

Avant Charles Perrault et les frères Grimm, il y a eu Giambattis­ta Basile (en médaillon). Courtisan et soldat, ce Napolitain a été élevé au rang de comte. Mais c’est pour ses contes qu’il restera dans l’aristocrat­ie littéraire, écrivant au début du XVIIe siècle un recueil précurseur, le « Pentameron­e », qui contient notamment les premières versions de « Cendrillon », « La Belle au bois dormant » ou « Hansel et Gretel ». Un « conte des contes » méconnu dans nos contrées, mais qualifié par Italo Calvino de « rêve d’un Shakespear­e napolitain difforme, obsédé par tout ce qui est effroyable, n’ayant jamais son compte de sorcières et d’ogres, fasciné par les images alambiquée­s et grotesques, où la vulgarité se mêle au sublime » . L’adaptation – en anglais – de Matteo Garrone ne dément pas ces propos. Dans « Tale of Tales », l’Italien (primé à Cannes pour « Gomorra » et « Reality ») abandonne le réalisme pour se plonger corps et âme dans le beau bizarre de Basile, mixant plusieurs fables tel un DJ baroque. Un roi (John C. Reilly) affronte un monstre marin pour que son épouse oedipienne (Salma Hayek) en mange le coeur. Un autre (Toby Jones) se lie d’amitié avec une puce géante, avant de marier sa fille à un effrayant ogre montagnard. Un troisième monarque (Vincent Cassel), priapique et adepte de triolisme, se retrouve aveuglé par son obsession pour deux soeurs hideuses…

La morale est amorale au possible : même coiffé par une couronne, l’homme n’est jamais souverain de ses désirs. Entre Freud et « Game of Thrones », on se laisse happer par ces songes délirants et ces visions fulgurante­s, oubliant de semer les petits cailloux qui pourraient nous ramener vers la vraie vie. Il était une fois…

« Tale of Tales », en salles.

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Songes. Au coeur de la forêt obscure.

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