Le Point

Détourneme­nt de majeur

- M. D. T.

Roman. C’est comme un abstinent qui n’a jamais bu une goutte et qui, à 56 ans, décide de se saouler à l’eau-de-vie. Jusqu’ici, dans l’oeuvre de Nathalie Rheims, elle se l’était juré, il n’y avait pas eu de scènes de sexe. Voilà qu’elle rompt sa promesse, franchit le Rubicon comme son héroïne, une jeune fille de 12 ans, qui sort du sarcophage où l’a retenue une longue maladie et tombe amoureuse d’un sociétaire de la Comédie-Française, 43 ans, divin. Elle le veut, elle l’aura. « Qui était le coupable ? écrit-elle. C’est moi qui l’avais choisi, qui l’avais traqué dans sa tanière. C’est moi qui l’avais désiré, conquis. » Papa est à l’Académie, des intellectu­els défilent dans la maison corse. Pendant sa maladie, la petite a lu Molière, Racine, Marivaux. Nabokov, aussi. Et en est sortie avec deux obses s i ons : devenir une femme, et comédienne. La rencontre de Pierre, entre Paul Morand, Dalida et Guy Schoeller, « un soir d’été », est une épiphanie. L’enfant le séduit, le suit jusque dans sa loge et, le jour de ses 13 ans, lui adjure de la prendre. Elle ressent « une déchirure », « l’intrusion d’un pieu au fond de ses entrailles » , elle est « heureuse et interdite » mais « maintenant file, petite fille » . Ils (et non pas il) recommence­nt. Elle l’aime, elle dit que lui aussi, elle est « son trésor secret » , elle regrette que « seule sa bouche lui [soit] dédiée » . Leur passion dure trois ans, elle le quitte. Elle a 16 ans, elle est comédienne, c’est une femme. Eprouvant, mais d’une grande beauté « Place Colette », de Nathalie Rheims (Léo Scheer, 320 p., 20 €).

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Ardente. Nathalie Rheims se lance.

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