Le Point

Jésus, star de

La nouvelle série documentai­re du tandem PrieurMord­illat interroge la vraie place de Jésus dans le Coran. Troublant. Percutant.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE GOLLIAU

Jésus n’a pas été crucifié. Marie, sa mère, est la soeur de Moïse. Dixit le Coran. Vous avez dit bizarre ? Fidèles à la méthode qui fit le succès de « Corpus Christi » (1997-1998) et d’« Apocalypse » (2008), Gérard Mordillat et Jérôme Prieur enquêtent dans cette nouvelle série documentai­re sur les origines de l’islam. Sur le plateau : Angelika Neuwirth, Patricia Crone, François Desroches, Gabriel Said Reynolds, Abdelmajid Charfi, Hichem Djaït… Au total, vingt-six des plus grands spécialist­es mondiaux de l’islam. Filmées en gros plan devant un rideau sombre – le style maison –, ces stars se livrent à l’analyse textuelle de deux versets de la sourate IV du Coran, à la lumière des hadiths, de la Bible et des Evangiles. Le résultat est sidérant : loin des tabous, le grand public a enfin accès à la genèse de l’islam, la vraie. Brutalemen­t, le voile se déchire et une religion apparaît, restituée dans toute sa fraîcheur, sa richesse et ses interrogat­ions, délivrée du couvercle dogmatique imposé par la politique et la théologie. Comme toujours, les deux cinéastes ont aussi écrit un livre, leur version personnell­e. Merci d’avoir osé.

Le Point : Vous nous troublez : Jésus a-t-il pu être plus important que Mahomet en islam ?

Tradition musulmane – non selon le Coran –, il est aussi celui qui, à la fin des temps, doit venir combattre l’Antéchrist et assurer la victoire de l’islam. Les gens de Daech affirment d’ailleurs l’attendre sur le minaret de la mosquée de Damas, comme l’annonce un hadith…

Les versets 157 et 158 assurent que Jésus a été crucifié « en apparence ». C’est digne de « Da Vinci Code »…

Dans l’islam, la crucifixio­n n’est qu’un faux-semblant. Première surprise : les juifs s’en accusent, alors qu’historique­ment ce sont les Romains qui ont crucifié Jésus. Plus étonnant encore, Jésus ne meurt pas sur la croix. La sourate IV, verset 157, dit ainsi : « Mais ils ne l’ont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi. » Ce n’était qu’une illusion, un mirage. Les exégètes musulmans ont multiplié les scénarios pour expliquer qui était mort à la place de Jésus : Judas, un disciple, Simon de Cyrène… Mais si Jésus n’est pas mort, il n’est pas non plus ressuscité. Le Coran règle ainsi deux problèmes : il marque la rupture avec le judaïsme en chargeant les juifs d’un crime qu’ils n’ont pas commis, et il se sépare du christiani­sme en ne reconnaiss­ant pas la résurrecti­on du Christ, qui est au coeur du dogme chrétien, et donc rejette sa divinité.

Dieu se révèle plutôt roublard dans cette histoire…

Jésus échappe à la mort grâce à la ruse divine qui trompe les juifs. D’après la tradition, Mahomet, en fuite vers Médine, échappe aussi à ses poursuivan­ts grâce à un stratagème d’Allah. Le Dieu du Coran déjoue les complots contre ses envoyés.

Un Dieu comploteur… C’est étrange, non ?

Pas tant que cela si on se tourne vers les Evangiles apocryphes, des récits que l’Eglise n’a pas acceptés car ils émanaient de courants dissidents. Pour ces chrétiens des premiers temps, il était impossible d’admettre que le fils de Dieu ait pu mourir sur la croix, un châtiment réservé aux esclaves et aux criminels. Bien avant le Coran, par exemple pour les docètes (du grec dokein, paraître), la mort de Jésus n’était qu’une illusion.

Mais comment expliquer les emprunts de l’islam à la fois à la tradition biblique et aux textes néotestame­ntaires ?

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