Un touriste à Tchernobyl
Récit. « Clochard qui explore l’apocalypse » (de son propre aveu), Markiyan Kamysh a un passe-temps étrange : arpenter la zone. A savoir les alentours de la centrale désaffectée de Tchernobyl, interdits à cause des risques de radiations, mais que ce jeune Ukrainien connaît comme sa poche. De vastes étendues où se retrouvent des accros aux sensations fortes, des fanas des villes fantômes et quelques « revenants » – ceux qui sont retournés vivre dans leur maison. Toutes expéditions confondues, Markiyan y a passé près de deux cents jours. Là, il affronte tempêtes de neige, eau contaminée et lynx en embuscade, sirote des bières sur les toits, brûle des cierges dans une église désertée. Et il emmène des touristes de l’extrême faire un tour dans le palais de la culture ou le parc d’attractions désaffectés. La zone, symbole encombrant d’un passé qui a mal tourné, est l’envers du rêve soviétique. Né en 1988, l’auteur est le fils d’un liquidateur de Tchernobyl, l’un de ceux qui ont oeuvré à la décontamination du site au lendemain de la catastrophe. Et, il a beau ne pas comprendre pourquoi, il y retourne toujours ; au fil de ces pages superbement écrites il prend le lecteur au piège de sa troublante fascination
« La zone », de Markiyan Kamysh, traduit de l’ukrainien par Natalya Ivanishko (Arthaud, 166 p., 16 €).