Oui, la recherche est très rentable !
Il faut donner aux chercheurs les moyens de transformer notre immense gisement de connaissance en emplois et en exportations.
F rançois
Hollande sera finalement revenu sur l’idée d’amputer de 256 millions d’euros le budget de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Une telle coupe n’est pas anodine, elle aurait représenté les budgets annuels de l’Ecole polytechnique, de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole des mines réunies, ou encore, deux fois et demie le budget de l’université de Toulouse-Capitole, celle de Jean Tirole. Justement, le Prix Nobel est intervenu personnellement pour appeler à sauver « l’économie de la connaissance », qui est l’économie la plus éternelle et la plus importante au monde. Aucune économie n’existe sans connaissance, et ceux qui la pratiquent sont richissimes : Apple a une trésorerie égale au PIB du Qatar et à notre budget de la défense réunis, Facebook vaut plus que Total, Tesla dépasse PSA… Un pays assis sur un gisement de connaissance est plus riche qu’un pays assis sur un gisement de pétrole : d’ailleurs, la Corée du Sud exporte 50 % de plus que la Russie, alors qu’elle a trois fois moins d’habitants et 171 fois moins de territoire. Il y a eu l’âge de pierre, de cuivre, de bronze, de fer, de carbone… nous sommes dans l’âge de la connaissance. Seul notre gouvernement semble l’ignorer, en témoignent ses appréciations à contresens de l’Histoire. Que l’idée d’étrangler notre économie de la connaissance ait seulement pu germer au plus haut de l’Etat est un sinistre précédent. Car la recherche française est exceptionnellement efficace : son ratio découverte/budget n’est égalé nulle part. Tirole opère dans une université dont le budget annuel est de 111 millions d’euros, celui de Stanford est de 5,5 milliards de dollars. Certes, les universités françaises sont mal notées à l’international, mais si le ministère avait eu la jugeotte de diviser leur classement par leur dotation, il les verrait caracoler en tête. 87 % des universités les plus riches au monde sont américaines, aucune n’est française. L’université de Californie, un système public, dispose d’un budget égal à celui de tout l’Enseignement supérieur et la Recherche. Elle gère moins de 240 000 étudiants qui payent cher leurs études ; nos universités en servent 1 500 000 qui ne payent presque rien. En termes de découverte fondamentale, chaque euro investi dans la recherche française est très rentable. Sa grande faiblesse réside dans la conversion recherche/emploi. La France a été leader sur le laser (Alfred Kastler, Nobel de physique 1966), elle n’exporte pas de laser et ne mène pas l’industrie mondiale. La France a été pionnière sur les cristaux liquides (Pierre-Gilles de Gennes, Nobel de physique 1991), ni export ni emploi dans l’industrie des écrans plats. La France a découvert la magnétorésistance géante, vitale à tous les disques durs solides (Albert Fert, Nobel de physique 2007), là encore ni emploi ni export made in France dans ce secteur. La France est redoutable en intelligence artificielle, mais demain elle ne produira aucun emploi, alors que Tesla et Google se disputent déjà les talents hexagonaux. Le problème est ancien : en 1972, Le Monde rapportait ce mauvais jeu de mots dans les colloques français : « Laser à quoi ? Laser à rien ! » Si elle veut être pleinement reconnue, notre recherche doit redoubler d’efforts pour la vulgarisation, la création d’emplois, et reconnaître le statut de chercheur-entrepreneur. Ce que fait par exemple depuis dix ans le professeur François Taddei,
La recherche française a un ratio découverte/budget inégalé, mais la conversion recherche/emploi reste faible.