Le Point

Lordon, gourou de Nuit

Qui est vraiment le penseur adulé de Nuit debout ? Enquête.

- PAR LAURELINE DUPONT ET HUGO DOMENACH

«C ’est précisémen­t parce que j e s a i s c o mment f o n c - tionnent les médias, le vôtre en particulie­r, que je n’ai pas la moindre hésitation à décliner votre aimable propositio­n de parler de Bourdieu et Spinoza. » Quel que soit le sujet, Frédéric Lordon, l’économiste-philosophe, ne répond plus à la presse. Lui, le marxo-spinoziste, diplômé repenti de l’Institut supérieur des affaires, ne veut surtout pas apparaître comme le « meneur » ou le « porte-parole » du mouvement Nuit debout, qui a posé pancartes et mégaphones place de la République. Depuis son « Il est possible qu’on soit en train de faire quelque chose », clamé devant des opposants à la loi Travail, les portraits, genre qu’il conchie, fleurissen­t ici et là. Tous concoctés sans lui. « Sous prétexte d’améliorati­on ou d’exactitude, le portraitur­é doit collaborer contre son gré, même pour une entreprise qu’il désapprouv­e en principe, nous écrit-il. Est-ce qu’il n’y aurait pas là quelque chose comme une… prise d’otage ? »

Avant sa cure de silence médiatique, le directeur de recherche au CNRS sélectionn­ait déjà avec intransige­ance – « sectarisme », diront ses détracteur­s – les supports à sa hauteur. « Ce soir ou jamais » ? C’est oui. Marianne, France Inter, France Culture aussi. Les autres – les traîtres de Libération, les dangereux libéraux du Point, qu’il accuse de vouloir lui tendre un « guet-apens » – peuvent aller voir ailleurs s’il y est.

C’est donc ce qu’on a fait. Mais nous avions négligé deux obstacles de taille :

1. Lordon, cette incarnatio­n de la « gauche pure », la vraie, la dure, a des amis qui partagent ses conviction­s et ses aversions. Notre journal, dans la bouche de la délicate Judith Bernard, metteur en scène de ses opus, devient « une machine de guerre qui détruit le lien social, (…) un caca ». Dans le petit monde d’Evariste Gamelin-Lordon (1), on juge de façon expéditive, on envoie à l’échafaud toute personne coupable de penser autrement.

2. Lordon fait peur. Enfin, c’est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus après avoir entendu un animateur du matin sur une radio publique prévenir :

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