Urvoas tourne la page Taubira
« Le Point » révèle le contenu de la circulaire de politique pénale du nouveau garde des Sceaux.
Pour commencer, ce constat qui saute aux yeux : la politique de Christiane Taubira, l’ancienne garde des Sceaux, est un échec cuisant. La contrainte pénale, sorte de peine en milieu ouvert censée aider les délinquants à se réinsérer, est boudée par les juges. Le recours au bracelet électronique est en net recul, tout c o mme l e s l i b é r a t i o ns s o u s contrainte des détenus en fin de peine et les régimes de semi-liberté (– 11,2 % en un an). Résultat : les prisons débordent. La surpopulation carcérale n’a jamais été aussi haute depuis… juillet 2008. Aussi le successeur de Christiane Taubira, Jean-Jacques Urvoas, dans une circulaire de politique pénale présentée jeudi aux procureurs généraux, dont Le Point révèle la teneur, a-t-il décidé de donner sa vision des choses. Un texte concis de six pages, entièrement écrit à la première personne. « Un “je” qui m’engage » , assure-t-il.
Entre les lignes, le ministre interroge les procureurs sur les raisons de ce fiasco. « La contrainte p é nal e me s e mble p o uvoi r ê t re ut i l e ment re quis e à l a pl ace de courtes peines d’emprisonnement » , affirme-t-il. La comparaison avec Christiane Taubira s’arrête là : Jean-Jacques Urvoas n’emploie pas une seule fois l’expression « aménagement de peine », quand sa prédécesseur en avait fait une priorité. Pour le ministre, la première des choses à faire est de « renforcer la confiance de nos concitoyens dans la justice ». Il veut dissiper « le soupçon d’une justice aux ordres » et réaffirme la fin des instructions venues d’en haut dans les affaires individuelles. Le garde des Sceaux rappelle cependant qu’il est seul maître à bord et qu’il lui revient, à lui et à lui seul, de définir la politique pénale de la France. Une fin de non-recevoir est donc adressée ici à un certain nombre de hauts magistrats qui réclament la création d’un « procureur général de la nation » indépendant du pouvoir politique.
Les procureurs doivent lui faire parvenir tout renseignement utile sur les procédures en cours lorsqu’elles présentent une problématique d’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public ou encore lorsqu’elles sont susceptibles d’avoir un « retentissement médiatique important » . « La remontée d’informations est une obligation légale. Un certain nombre de parquets sont pour le moment un peu discrets. En matière de délinquance financière, je constate que je ne dispose pas toujours des éléments nécessaires » , ose le ministre. Pour que les Français n’aient pas le sentiment d’une justice à deux vitesses, il importe également de « conduire avec les plus grande célérité et efficacité les enquêtes relatives aux affaires de corruption et de trafic d’influence » . « Je vous invite, dit encore Jean-Jacques Urvoas, (…) à faire remonter les incidents récurrents de nature à retarder l’avancement de ces dossiers. » Nicolas Sarkozy appréciera…
Violences intrafamiliales. Enfin, le ministre appelle à une « vigilance particulière » sur plusieurs sujets : les violences intrafamiliales, les attaques contre les forces de l’ordre, la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, le racisme, l’antisémitisme et toutes formes de discrimination. Bref, la violence quotidienne. Tous ces actes devront être réprimés avec « fermeté » et avec « la plus grande diligence » , écrit le garde des Sceaux. Sur la menace terroriste, le ministre s’enorgueillit des mesures répressives prises sous son égide et ferme la porte au « parquet national antiterroriste » voulu par la droite. Un « modèle parfaitement inadapté, dit-il. Le soir des attentats du 13 novembre, il n’y avait pas huit magistrats mobilisés. Ils l’étaient tous ». Pas un mot, en revanche, sur la protection des libertés individuelles, la politique carcérale de la France ou le renseignement pénitentiaire, trois sujets hautement sensibles qui lui valent des critiques. Lesquelles sont formulées non pas par la droite, mais bel et bien par la gauche…
Le ministre n’emploie pas une seule fois l’expression « aménagement de peine », quand sa prédécesseur en avait fait une priorité.