Ils ont oublié de mourir
Avec « Peshmerga », Bernard-Henri Lévy témoigne au plus près de l’engagement des combattants kurdes contre Daech.
Baignée de lumière, l’immense Mossoul s’étire le long du Tigre. Des habitants vaquent à leurs occupations. Ballet tranquille de voitures sur les artères principales. Sous le joug de l’Etat islamique, la cité irakienne ne donne aucun signe de fébrilité en cet automne 2015. Filmée par un drone de l’équipe du film « Peshmerga », l’atmosphère n’indique pas l’imminence d’une bataille cruciale. Ces images d’une ville engourdie tranchent avec celles diffusées par la propagande de Daech quelques mois plus tôt : les « forcenés du mal » détruisant à l’explosif la mosquée censée abriter la tombe du prophète Jonas, avant de massacrer au marteau-piqueur les statues et les fresques assyriennes du musée.
Mossoul ! Et si c’était pour l’antique Ninive que Bernard-Henri Lévy (éditorialiste au Point) avait entrepris ce périple le long de la ligne de front entre le Kurdistan irakien et le territoire contrôlé par l’Etat islamique ? « Etre juif, c’est aller à Ninive », écrit-il dans « L’esprit du judaïsme » : aller jusque dans les lieux « où l’être juif est le plus radicalement mis en question ».
Aux côtés des peshmergas, il s’est approché au plus près de la « cité du mal ». Les combattants kurdes scrutent ceux de l’Etat islamique dans leur viseur. « Donnez-nous des chars, et nous nous occuperons du reste », s’impatientent-ils. Que valent aujourd’hui ces mythiques combattants ? Selon le géopoliticien Gérard Chaliand, ils auraient « engraissé et vieilli », et les plus jeunes seraient réticents à se faire tuer pour des dirigeants qu’ils jugent corrompus. Rien de tel dans la vision héroïque qu’en donne Bernard-Henri Lévy – les peshmergas se battent « pour l’humanité tout entière », clame fièrement l’un d’eux.
« Peshmerga » les saisit à l’heure du destin. « On ne connaît pas un homme avant de l’avoir vu au danger », écrit Ernst Jünger dans « Orages d’acier ». La remarque vaut aussi bien pour le réalisateur que pour ceux qu’il