Amazon-Hidalgo, match nul
La révolution économique des plateformes numériques ne perturbe pas que la maire de Paris.
L es
habitants du quartier Bastille qui avaient décidé il y a une semaine de tester Amazon Prime Now, le tout nouveau service de livraison expresse à Paris du géant américain du commerce en ligne, l’ont probablement regretté, la place et ses environs étant ce jour-là totalement bouclés par les forces de l’ordre à cause de la manifestation hebdomadaire de la CGT contre la loi travail. C’est au-delà du délai maximal promis d’une heure et dans un triste état que le saumon fumé, les yaourts aux fruits et les glaces Häagen-Dazs commandés avec amour ont dû parvenir à leurs destinataires, après plusieurs heures passées en plein cagnard dans le coffre des mobylettes de livraison.
Il ne faut pas être particulièrement amateur de symboles pour en voir un dans ce voisinage forcé, du côté de l’Arsenal, entre d’un côté des militants syndicaux opposés à toute modification d’un Code du travail conçu il y a des décennies pour des salariés d’usine et, de l’autre, bloqués par les cordons de CRS et les manifestants, les jeunes coursiers d’Amazon, représentants d’une révolution numérique qui a commencé à chambouler le fonctionnement de nos sociétés et de nos économies dans à peu près tous les domaines : du marché de l’emploi au financement de la protection sociale, en passant par la façon de faire des courses, des voyages et de trouver l’âme soeur.
Une révolution incarnée par ces objets économiques bizarres que sont toutes ces « plateformes » (Uber, Amazon, Facebook, Airbnb, Blablacar, Meetic, etc.) adulées en Bourse. Et pour cause. Débarrassées des coûts de production, ces entreprises dégagent des marges confortables et elles ont en outre la particularité très appréciable de devenir naturellement des monopoles (plus une plateforme a de clients, plus elle en attire). Le résultat est que sept des dix plus grosses start-up mondiales en termes de valorisation boursière sont aujourd’hui des plateformes, qualifiées de « gardiennes de l’économie numérique » par le Prix Nobel Jean Tirole, l’un des premiers économistes à les avoir étudiées de près, dès le début des années 2000. A avoir cherché à décrire leur modèle économique et tenté d’en mesurer les bienfaits potentiels mais aussi les éventuels dysfonctionnements.
D’abord, il convient de noter que, considérées comme des symboles de l’ultramodernité, ces plateformes bifaces, où un intermédiaire permet à des vendeurs et des acheteurs d’interagir, ne datent pas d’hier. Ainsi que le montre un article de la Harvard Business Review signalé par le site Atlantico, les grandes foires commerciales médiévales étaient déjà fondées sur ce principe. Comme celles, spécialisées dans le textile, le cuir, les épices, organisées à la fin du XIIe siècle par le comte de Champagne. Qui sélectionnait les participants, définissait les règles de transactions, établissait le cadre juridique, fixait les moyens de paiement autorisés, en contrepartie de quoi il percevait un petit pourcentage sur chaque opération – ce qui fit sa fortune, bien avant de faire celle de Mark Zuckerberg. Autres exemples, antérieurs à l’ère numérique, de marchés bifaces, reposant sur
Les tarifications des plateformes numériques donnent des maux de tête aux autorités de la concurrence.