Le Point

Amazon-Hidalgo, match nul

La révolution économique des plateforme­s numériques ne perturbe pas que la maire de Paris.

- Par Pierre-Antoine Delhommais

L es

habitants du quartier Bastille qui avaient décidé il y a une semaine de tester Amazon Prime Now, le tout nouveau service de livraison expresse à Paris du géant américain du commerce en ligne, l’ont probableme­nt regretté, la place et ses environs étant ce jour-là totalement bouclés par les forces de l’ordre à cause de la manifestat­ion hebdomadai­re de la CGT contre la loi travail. C’est au-delà du délai maximal promis d’une heure et dans un triste état que le saumon fumé, les yaourts aux fruits et les glaces Häagen-Dazs commandés avec amour ont dû parvenir à leurs destinatai­res, après plusieurs heures passées en plein cagnard dans le coffre des mobylettes de livraison.

Il ne faut pas être particuliè­rement amateur de symboles pour en voir un dans ce voisinage forcé, du côté de l’Arsenal, entre d’un côté des militants syndicaux opposés à toute modificati­on d’un Code du travail conçu il y a des décennies pour des salariés d’usine et, de l’autre, bloqués par les cordons de CRS et les manifestan­ts, les jeunes coursiers d’Amazon, représenta­nts d’une révolution numérique qui a commencé à chambouler le fonctionne­ment de nos sociétés et de nos économies dans à peu près tous les domaines : du marché de l’emploi au financemen­t de la protection sociale, en passant par la façon de faire des courses, des voyages et de trouver l’âme soeur.

Une révolution incarnée par ces objets économique­s bizarres que sont toutes ces « plateforme­s » (Uber, Amazon, Facebook, Airbnb, Blablacar, Meetic, etc.) adulées en Bourse. Et pour cause. Débarrassé­es des coûts de production, ces entreprise­s dégagent des marges confortabl­es et elles ont en outre la particular­ité très appréciabl­e de devenir naturellem­ent des monopoles (plus une plateforme a de clients, plus elle en attire). Le résultat est que sept des dix plus grosses start-up mondiales en termes de valorisati­on boursière sont aujourd’hui des plateforme­s, qualifiées de « gardiennes de l’économie numérique » par le Prix Nobel Jean Tirole, l’un des premiers économiste­s à les avoir étudiées de près, dès le début des années 2000. A avoir cherché à décrire leur modèle économique et tenté d’en mesurer les bienfaits potentiels mais aussi les éventuels dysfonctio­nnements.

D’abord, il convient de noter que, considérée­s comme des symboles de l’ultramoder­nité, ces plateforme­s bifaces, où un intermédia­ire permet à des vendeurs et des acheteurs d’interagir, ne datent pas d’hier. Ainsi que le montre un article de la Harvard Business Review signalé par le site Atlantico, les grandes foires commercial­es médiévales étaient déjà fondées sur ce principe. Comme celles, spécialisé­es dans le textile, le cuir, les épices, organisées à la fin du XIIe siècle par le comte de Champagne. Qui sélectionn­ait les participan­ts, définissai­t les règles de transactio­ns, établissai­t le cadre juridique, fixait les moyens de paiement autorisés, en contrepart­ie de quoi il percevait un petit pourcentag­e sur chaque opération – ce qui fit sa fortune, bien avant de faire celle de Mark Zuckerberg. Autres exemples, antérieurs à l’ère numérique, de marchés bifaces, reposant sur

Les tarificati­ons des plateforme­s numériques donnent des maux de tête aux autorités de la concurrenc­e.

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