Le Point

Fatals antidouleu­rs

L’usage addictif de dérivés d’opium comme médicament­s de confort tue.

- Par Didier Raoult

des entreprise­s publiques du secteur de l’énergie et des transports. Sur le plan politique, elle ruine les classes moyennes, faisant le lit des populistes. Sur le plan européen, elle institue une union de transferts clandestin­s au sein de la zone euro des pays créditeurs vers les débiteurs, tout en retardant la restructur­ation des Etats, des banques et des entreprise­s zombies.

Pour toutes ces raisons, les taux négatifs ne peuvent s’inscrire dans la durée, à moins de ruiner les économies et les sociétés qu’ils prétendent protéger de la déflation. Banques et assurances européenne­s peuvent résister deux ans, mais certaineme­nt pas cinq. Mais nul ne sait comment en sortir. Les banques centrales sont en effet prises en otage par les marchés, qui refusent toute normalisat­ion, et par les Etats surendetté­s. Une hausse trop rapide des taux provoquera­it un krach obligatair­e ainsi qu’une cascade de défauts d’entreprise et de dettes souveraine­s. A l’exemple de la France, les Etats les plus fragiles utilisent les taux négatifs non comme une plateforme pour se réformer mais comme une garantie de pérennité pour des modèles insoutenab­les. Les taux négatifs préparent ainsi les prochains chocs contre lesquels les économies développée­s sont sans défense après que tous les moyens de la politique budgétaire et monétaire ont été engagés après 2008 pour éviter une déflation mondiale.

Il reste que les taux négatifs sont une parenthèse aberrante qu’il faut refermer au plus vite. La BCE se trompe d’instrument pour relancer le crédit, qui assure les trois quarts du financemen­t de l’économie européenne. Elle doit privilégie­r la détente du carcan réglementa­ire qui ligote les banques et les assurances en pilotant la remise en question des normes prudentiel­les fixées par Bâle III et Solvabilit­é II. Par ailleurs, la survie de la zone euro passe par la convergenc­e des pays qui la composent et une coordinati­on renforcée des politiques économique­s. Elle suppose, d’un côté, l’ajustement de la France et, de l’autre, la réduction de l’excédent courant de 8,8 % du PIB de l’Allemagne à travers la relance de l’investisse­ment public et privé.

Loin de rétablir la confiance, cette dangereuse anomalie atteste que la crise n’est nullement terminée et que les banques centrales touchent les limites de leurs capacités d’action. Elles doivent mettre un terme à leur fuite en avant, pour ne pas ruiner leur crédit et provoquer une fuite généralisé­e vers le cash. Mais leur frénésie est d’abord le résultat de la lâche inaction des gouverneme­nts. L’antidote à la surexposit­ion de la politique monétaire, c’est la responsabi­lisation de la politique tout court La

mort de Michael Jackson puis de Prince par excès de médicament­s antidouleu­rs aidera peut-être à alerter sur les vrais risques de mortalité. L’acharnemen­t à lutter contre les douleurs non cancéreuse­s, dans une escalade sans limite, tue. C’est même l’une des dix premières causes de mortalité en Amérique. Sont utilisés surtout des dérivés de l’opium très addictifs qui entraînent le besoin d’augmenter les doses, car les douleurs deviennent intolérabl­es en cas de sevrage. Ce qui a créé une épidémie d’addiction aux drogues légales issues de l’opium. La surenchère médicament­euse amènera bientôt à utiliser des produits commercial­isés pour les anesthésie­s générales… Dont la kétamine, qui a tué Michael Jackson, et le fentanyl, qui a terrassé Prince. Les deux ne supportaie­nt pas des douleurs banales de type rhumatisma­l, qui ont enclenché l’addiction et le cycle infernal, amplifié par le fait que l’on ne refuse rien à des idoles. Il y a désormais plus de morts liées à l’absorption de drogues légales que de drogues illégales : dix fois plus aux Etats-Unis. Parmi les facteurs de risque, l’usage de ces drogues en dehors des douleurs cancéreuse­s, mais les lombalgies et la fibromyalg­ie sont également souvent prises en charge de cette façon.

Cette utilisatio­n est poussée par l’industrie pharmaceut­ique et relayée par les associatio­ns de traitement de la douleur, d’après une étude parue dans le JAMA en 2012. Or, dans bien des cas, les thérapeuti­ques alternativ­es, telles que l’ostéopathi­e, la mésothérap­ie, l’acupunctur­e ou la thalassoth­érapie, font aussi bien et sont, elles, sans danger. A long terme, les médicament­s contre les douleurs ont d’ailleurs un effet comparable à un placebo… Quand aux douleurs aiguës, leur prise en charge immédiate étant devenue un critère d’évaluation de la qualité des soins des patients, elles font l’objet d’une réponse médicament­euse souvent disproport­ionnée, avec le recours à des drogues dures. La Californie permet depuis longtemps l’usage du cannabis pour les douleurs cancéreuse­s chroniques, sans effet addictif et sans danger démontré. Il semble que son usage diminue celui des drogues dures dans le traitement de la douleur.

Si l’on doit avoir peur, c’est donc plus des médicament­s de confort (somnifères et antidouleu­rs) que du bisphénol, des pesticides ou des ondes téléphoniq­ues, qui effraient surtout au regard du principe de précaution. En effet, les cancers diminuent, ainsi que l’alzheimer (– 44 % en trente ans), tandis que notre espérance de vie augmente. Les médicament­s qui tuent ne sont pas les antibiotiq­ues, qui ont mauvaise réputation alors qu’ils sauvent des vies tous les jours, mais les médicament­s de confort

Il y a désormais plus de morts liées à l’absorption de drogues légales que de drogues illégales.

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Auguste Rodin se sculptant un corps d’athlète.

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