Le Point

La foire aux fantasmes

Non, Bruxelles ne supprimera pas la cornemuse. Oui, on y a statué sur la taille des bananes. Explicatio­ns.

- PAR ROMAIN GUBERT

Boris Johnson a un immense talent. Pendant la campagne du référendum, le chef de file des partisans conservate­urs du Brexit avait même une idée par jour pour frapper les esprits. L’Union européenne interdit aux « enfants de moins de 8 ans de gonfler des ballons » ; la Commission veut supprimer « la production de chips aux saveurs de crevettes cocktail ». Les technocrat­es de Bruxelles refusent aussi le recyclage des sachets de thé. Signe de leur folie, selon Johnson : les hommes en gris passent une partie de leurs journées à calculer la courbure idéale des bananes. D’autres pro-Brexit ont prétendu que les autobus à impériale allaient être supprimés, tout comme la cornemuse, jugée trop bruyante ! Même la taille des cercueils aurait, elle aussi, fait l’objet d’une directive.

Des arguments souvent relayés par les quotidiens tabloïds, qui s’en donnent à coeur joie pour tordre la réalité et brosser un tableau délirant des activités réelles de la Commission. Celle-ci produit effectivem­ent des centaines de normes techniques ou sanitaires chaque année. Avec cette mission : veiller à ce que la concurrenc­e soit loyale entre les 28 et que les normes de production soient les mêmes pour tous. C’est la conséquenc­e du marché unique, qui permet à un industriel de vendre le même produit dans toute l’UE. La Commission s’est donc effectivem­ent penchée sur les normes de sécurité dans les bus de transport collectif ou sur le bruit dans les usines. Il ne restait plus aux europhobes qu’à faire croire à l’opinion que c’était la fin de la cornemuse et du double decker.

Les Britanniqu­es ne sont pas les seuls à fantasmer sur les activités de la Commission. En pleine campagne électorale pour les européenne­s de 2014, Jean-François Copé et Michèle Alliot-Marie ont fait croire à leurs électeurs qu’une directive européenne interdisai­t aux jeunes de moins de 18 ans de monter sur un escabeau. Or c’était une norme… bien française qui visait à encadrer le travail des apprentis mineurs susceptibl­es d’effectuer des travaux dangereux (elle n’évoquait même pas les escabeaux). Elle figure dans le Code du travail français et n’a rien à voir avec Bruxelles.

Bruxelles n’a jamais non plus pondu un texte interdisan­t l’usage de la fessée sur les enfants, comme le prétendent ses détracteur­s. Il s’agit d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (le plaignant était une associatio­n française !) de mars 2015 qui condamne la France parce que les textes sur la protection de l’enfance dans l’Hexagone ne sont pas assez précis. Les commissair­es n’ont donc jamais disserté des heures sur le bien-fondé ou non d’une bonne fessée.

« L’eau ne désaltère pas. » Bruxelles est un bouc émissaire d’autant plus facile à critiquer que la Commission se défend très mal. Ainsi, les fameux ballons « interdits aux enfants de moins de 8 ans » chers à Boris Johnson. Il s’agit en réalité d’une « recommanda­tion » de gonfler ceux-ci en présence d’un adulte. Elle doit figurer sur les emballages. Même chose pour les boissons. Contrairem­ent à ce que prétendent les europhobes, la Commission n’a jamais avancé que « l’eau ne désaltère pas ». Le règlement (UE) n° 1170/2011 de la Commission interdit seulement aux producteur­s de boissons (sucrées ou non) de prétendre que celles-ci

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France