Norman Manea : « Nous sommes des girouettes byzantines »
L’écrivain nobélisable nous a reçu à Bucarest. Il évoque la Roumanie, le néopopulisme, Trump, le Brexit…
Naissance à Suceava, en Bucovine, dans le nordest de la Roumanie.
Déportation en Transnistrie par l’armée roumaine. 1974 Abandonne son métier d’ingénieur pour se consacrer à la littérature. 1986 Quitte la Roumanie pour Berlin, puis pour les EtatsUnis. 1989 Commence à enseigner la littérature à Bard College, prestigieuse université de l’Etat de New York. 2006 Sortie française du « Retour du hooligan. Une vie » (Seuil), prix Médicis étranger. 2009 Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres. 2016 Manea fête ses 80 ans.
Norman Manea est l’enfant terrible des lettres roumaines. Bien qu’il vive à l’étranger depuis trente ans (Berlin, Washington, New York aujourd’hui), il continue d’ausculter son pays avec scepticisme et ironie, livre après livre, des essais (notamment « Les clowns. Le dictateur et l’artiste », 2009) et des romans, parmi lesquels « Le retour du hooligan. Une vie » (2006), prix Médicis étranger. Déporté à 5 ans dans un camp de Transnistrie par l’armée roumaine, il travaille comme ingénieur puis se consacre à la littérature, sa « tanière » dans la dictature national-communiste de Ceausescu, avant d’être contraint à l’exil. A l’occasion de ses 80 ans, un grand raout d’écrivains a été organisé fin mai à Bucarest : la fine fleur de l’intelligentsia roumaine, nombre de ses éditeurs étrangers (il est traduit en plus de vingt langues), Antonio Muñoz Molina et Alberto Manguel, tous sont venus célébrer l’un des derniers grands représentants de la culture juive cosmopolite d’Europe centrale et orientale. Rencontre à Bucarest avec un Nobel de littérature en puissance.
Le Point : Pourquoi nous rencontrons-nous au café Capsa ? Norman Manea :
Le Capsa était le haut lieu de la bohème et des célébrités du Bucarest de l’entre-deuxguerres. Cioran, Mircea Eliade, Ionesco et Mihail Sebastian y tenaient salon. A l’époque communiste, on y mangeait bien et le service était attentif : deux denrées rares sous Ceausescu.
Vous venez de recevoir la Steaua romana, l’équivalent de notre Légion d’honneur. L’université de Bucarest et votre éditeur Polirom ont célébré en grande pompe votre 80e anniversaire en invitant des auteurs du monde entier à Bucarest. La Roumanie et vous êtes enfin réconciliés ?
J’ai un éditeur et des amis roumains formidables, je leur suis très reconnaissant. Mes relations avec la Roumanie s’améliorent, notamment parce que le nouveau président, Klaus Iohannis, est différent de ses prédécesseurs. Iohannis, ancien maire de Sibiu, est de confession luthérienne et issu de la minorité allemande de Transylvanie. Il n’appartient pas à la majorité orthodoxe du pays. Iohannis ne voit pas d’inconvénients à remettre la plus haute