Terrorisme, déculturation, dégradation de l’environnement, crise économique et morale, déprime sociale… Notre monde court-il à sa perte, guetté par le sort funeste de Rome, des Sumériens ou des Incas ?
Allons-nous disparaître ? Cette angoisse taraude notre époque. En France, en Belgique, en Allemagne se multiplient les attentats terroristes. A mesure que s’accroît le nombre de victimes, voilà que l’impuissance et la fragilité de notre civilisation, son usure et son déclin commencent à hanter les esprits. D’autant que le paysage tout entier a de quoi inquiéter : l’Europe donne des signes de fracture, la Turquie laïque se délite, les djihadistes mènent l’assaut contre les libertés des démocraties laïques, l’égalité des sexes et les droits des citoyens. En ouvrant la focale, la peur de voir périr notre civilisation s’accentue. Car de tous les côtés nous hantent les catastrophes, cataclysmes, décompositions. Nos craintes ne se comptent plus : pandémies, invasions, dérèglement climatique, pénuries, poisons alimentaires, extinction des espèces… Chaos et déchirures occupent l’imaginaire collectif, désormais saturé de violences physiques, d’affrontements symboliques, de fractures sociales, de dislocations politiques. L’idée que nous allons mourir nous habite – de manière diffuse, mais insistante.
Nous, qui donc ? Les rejetons de la République laïque, les créations de la démocratie, les enfants de la civilisation industrielle et du monde digital, les produits de la globalisation, contemporains du nucléaire et des banquises en archipel. Pas seulement les chrétiens blancs d’Europe de l’Ouest, dont la domination éphémère n’est plus qu’un souvenir. Pas seulement les nantis, frigos pleins, et les contrées d’obèses. Il y a longtemps, déjà, que « l’Occident » (flux financiers, ordinateurs et villes-mondes) s’est étendu au Japon et à la Chine, à l’Amérique latine, à l’Afrique. A présent, des milliards d’humains sont conscients d’être embarqués sur le même bateau et trouvent qu’il tangue.