Le Point

Conan le Barbare, ce super-héros déprimé

- FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Quel est le rapport entre Conan le Barbare et Oswald Spengler, le très contesté auteur du « Déclin de l’Occident » ? La réponse est un nom américain, Robert Howard, à qui l’on doit en 1932 l’apparition de Conan, ce mercenaire barbare originaire de Cimmérie (une contrée près de la mer d’Azov) qui se porte au secours de la civilisati­on hyborienne, assaillie de toutes parts par d’autres Barbares. Jeune écrivain prolifique et dépressif – il se suicidera en 1936, à l’âge de 30 ans –, Howard fut un grand lecteur de Spengler, qui agita le débat intellectu­el de l’entre-deux-guerres avec son esquisse d’une morphologi­e de l’histoire universell­e. Le philosophe allemand exposait une vision vitaliste des grandes cultures, soumises, selon lui, aux mêmes cycles et aux mêmes lois que les êtres biologique­s : jeunesse, maturation, vieillesse. Encore fasciné par une vision romantique des ruines, Spengler estimait que la civilisati­on, épiphénomè­ne, était amenée à être régulièrem­ent détruite par des Barbares investis d’une mission : la régénérer. On devine que les nazis surent exploiter pareille vision. Dans ses romans d’heroic fantasy, Howard l’appliqua aussi à son protagonis­te, qui à l’origine est bien plus déprimé et inquiet que dans les versions musclées qui furent réécrites après sa mort et portées au cinéma avec Arnold Schwarzene­gger dans le rôle-titre. Conan, qui finit par devenir le souverain de la civilisati­on hyborienne, est parfaiteme­nt conscient de sa fin prochaine. Une civilisati­on qui n’est en fait qu’en sursis, exposée à la menace mortelle des Barbares, état naturel de l’humanité

 ??  ??
 ??  ?? Musclé. Arnold Schwarzene­gger dans le rôle-titre de « Conan le Barbare » (1982).
Musclé. Arnold Schwarzene­gger dans le rôle-titre de « Conan le Barbare » (1982).

Newspapers in French

Newspapers from France