Hollande : « Qu’est-ce que l’Histoire retiendra ? »
d’Emmanuel Macron, de la montée du terrorisme à la crise grecque, de l’affaire Leonarda aux innombrables couacs gouvernementaux, de la lutte contre le chômage aux tensions sociales, de la bataille de la droite à la guerre des gauches, c’est le film d’une lente et douloureuse chute, qu’il déroule comme s’il en était le spectateur plus que l’acteur principal.
Les monologues de Hollande sont livrés crus, sous forme de verbatim. Le voilà qui évoque « la brutalité » de Sarkozy, qui veut lui « défoncer les dents » , le « vieux » Juppé, dont « la ligne est la même que celle qu’il défendait en 1986 lorsqu’il était ministre de Chirac, la même que lorsqu’il était à Matignon en 1995 » , et qui « sera le candidat de la droite libérale mâtinée d’un peu de chiraco-gaullisme pour la politique étrangère » … Et même Vincent Bolloré, ce « pirate » , ce « catho intégriste » , dont il décortique la prise de pouvoir à Canal +.
Tourments intimes. Pour la première fois, François Hollande va jusqu’à entrer dans le détail de ses tourments intimes. Il effleure sa séparation avec Valérie Trierweiler et évoque la révélation de sa relation avec Julie Gayet. « Le mariage ? Je n’y suis pas opposé par principe, mais j’arrive à un âge où ça devient moins probable. Mais c’est possible, oui… » glisse le président, d’habitude si pudique, à ses confidents.
Au crépuscule de son règne, alors que plus grand monde, y compris dans son camp, ne croit à une victoire en 2017, François Hollande se fait aussi avocat de son action, préparant de fait le terrain d’une campagne qui se jouera en partie sur la défense de son bilan. « Je suis tout à fait reconnaissant, non seulement à Sapin [ministre des Finances, NDLR] mais aussi à moimême d’avoir fixé cet objectif [de l’inversion de la courbe du chômage, NDLR] parce que ça a permis de mobiliser », assume-t-il par exemple.
Surtout, François Hollande se paie le luxe insensé de juger des forces, des faiblesses et des chances des prétendants à sa succession, dont il sent l’impatience. Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Anne Hidalgo sont expédiés en une phrase. Reste son Premier ministre, Manuel Valls, le « social-républicain » , et son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, « le social-libéral » . Selon François Hollande, avantage au premier, qui présente l’inestimable avantage à ses yeux d’être un élu. « Contrairement à ce que certains peuvent penser, ils ne sont pas concurrents » , assène le chef de l’Etat. « Franchement, Valls aura démontré, quel que soit le résultat de la présidentielle, qu’il a été à la hauteur pendant trois ans (...), il est celui qui a la plus grande expérience politique » , estime Hollande, qui tranche : « Je ne sais pas ce que seront leurs vies dans les prochaines années, mais ils ne sont pas sur le même espace. »
Le président confirme là qu’il est un joueur stratège, manipulateur hors pair, cynique souvent, sensible parfois, qui ne cesse de se demander, comme en une lancinante obsession, ce que l’Histoire retiendra de son passage à l’Elysée. C’est en partie pour cela qu’il s’est prêté au jeu de la confession. Pour être sûr que, quoi qu’il arrive, une trace reste
« Je suis regardé comme le président d’une belle France »
« J’ai pris des décisions lourdes pendant ces trois jours [les 7, 8 et 9 janvier 2015, le temps de la traque des frères Kouachi, auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo, NDLR], mais finalement moins lourdes que sur le Mali ou la Centrafrique. Des soldats sont morts là-bas et c’est moi qui les ai envoyés. La mort d’Hervé Gourdel [otage français décapité le 23 septembre 2014 par un
groupe djihadiste algérien en “représailles aux actions militaires françaises contre l’Etat islamique”], ça aussi c’est ma responsabilité. Là, j’ai montré que le pays était dirigé. Dirigé par moi. Le pays est tenu. Il y a eu un moment où tout aurait pu basculer dans la rancoeur, la haine. Ça n’a pas été le cas. La France s’est découverte elle-même, elle a montré qu’elle avait confiance en elle, notamment à travers la reconnaissance internationale de ce que le pays représente et de ce que son président représente. Je suis regardé comme le président d’une belle France. (…) C’est la semaine, celle des attentats, où je suis devenu président dans le regard de beaucoup de gens. J’ai été élu, mais dans le regard de beaucoup de Français je ne l’étais pas devenu. Qu’il s’agisse de mes adversaires ou des gens de gauche qui ont été déçus. Là, on se dit “il l’a fait”. Mitterrand a eu le Liban, le discours à la Knesset. Il y a aussi la main dans la main avec Helmut Kohl. Chirac, c’est l’hommage à Mitterrand le soir de sa mort et le fait de ne pas intervenir en Irak. Nicolas Sarkozy, c’est avec la crise qu’il est devenu président. Il a tenu. C’est une séquence pendant laquelle j’ai eu les bons gestes. Si j’avais montré une hésitation, une interrogation, c’était différent. J’ai appris, dans ce moment, sur le fonctionnement du gouvernement. La fluidité, la rapidité de la chaîne d’informations. Faire travailler les services les plus concurrentiels ensemble. On ne peut pas parler que d’économie à notre pays. Les Français ne vont pas dans la rue sur la crise ou le chômage. 2017 se jouera sur les valeurs aussi. On n’élit pas un président sur “il a fait un peu plus ou un peu moins de chômage”. On l’élit parce qu’il a su parler à la nation, parce qu’elle s’est réveillée. »
Ce n’est pas un drame si ça s’arrête »
« Ce qui est terrible, c’est de faire un mandat présidentiel dont il ne reste rien. Sauf une bonne image, dans le meilleur des cas. Ce serait terrible. Se dire : “J’étais là, j’ai occupé la fonction. Mais qu’est-ce que l’Histoire retiendra ?” Moi j’ai réglé cette question : le Mali, la réponse aux attentats de janvier, le mariage pour tous, la loi Macron… Une fois qu’on a réglé cette question, on peut tout faire pour poursuivre, mais en même temps ce n’est pas un drame si ça s’arrête. Le drame, c’est quand vous laissez la place et que vos traces sur le sable s’effacent elles-mêmes. (…) Je sais ce que ça représente sur le plan personnel [la perspective de briguer un nouveau mandat, NDLR]. Notamment lorsqu’il s’agit de la dernière partie de son existence. A partir de soixante ans, les années comptent différemment. Vous entrez dans un autre temps. Je sais aussi ce qu’est la lourdeur de cette tâche. C’est vrai que ça pourrait être une sorte de libération de ne plus être là… A présent, je peux regarder en face ces années ici. Des années passées sans vie personnelle comme chacun peut l’avoir. Je sais ce que ça représente… Mais l’envie, je l’ai. C’est mon inclination personnelle. Reste la question politique. Je ne ferais pas de choix de candidature si, d’évidence, elle ne pouvait pas se traduire par une possibilité de victoire. (…) Ce que les Français attendent, c’est du “neuf ”. Du neuf avec des vieux, pourquoi pas ? C’est ce qu’espère Juppé. Peutêtre du neuf avec le même ! Du neuf avec