Je crois en toi, Monaco
Aucun magasin d’alimentation au centre de Monaco : que des boutiques de souvenirs. On a le choix entre dîner au restaurant ou avaler du passé. Pour faire ses courses, il faut descendre à la Condamine, où il y a un supermarché. De la chaîne Casino. Pas de feu rouge non plus dans ce que les agents immobiliers monégasques appellent le Carré d’or (le 3-pièces est à 3 millions d’euros, 1 million par pièce) : dès qu’un passant se présente pour traverser le boulevard des Moulins (j’habite au 23, dans un appartement de mes amis serbes Zepter) ou l’avenue de la Madone, une Bentley, une Rolls ou une Ferrari stoppe devant lui comme s’il était le prince Albert ou son épouse, Charlène. Impossible de remercier le conducteur : on ne le voit pas derrière les vitres fumées de son véhicule.
A la nuit tombée, de longues femmes blondes cherchent un mari ou en fuient un : la plupart d’entre elles ne parlent pas français, mais elles se font comprendre. Il y a pas mal de mères, surtout quand leur fille a un bébé : elles poussent la poussette avant de déguster une coupe de champagne rosé avec leur progéniture qui a réussi dans la vie à se faire faire un enfant par un financier grec ou un footballeur hongrois.
S’installer au Café de Paris, charmant rendez-vous de chasse où se retrouvent chaque soir des dames seules ou mal accompagnées. Ils ne font pas de crêpes : j’ai demandé. Monaco étant la ville de l’argent, c’est celle de l’amour : dans beaucoup de civilisations, les deux choses sont allées ensemble. Au Café de Paris, c’est comme aux Deux-Magots à Paris : pour aller dans les toilettes des hommes, il faut passer devant celles des femmes. Ça doit être pour ça que tout le monde a tout le temps envie de faire pipi.
Ville sans Roms, sans SDF, sans réfugiés syriens : on se croirait en France dans les années 60. On aurait presque envie de payer en anciens francs. Ça fait combien, 3 millions d’euros, en anciens francs ? Les seuls Noirs de Monaco sont ceux de la NBA. Les couples blancs se sourient quand ils se croisent dans la rue, en particulier si l’homme a deux fois l’âge de la femme : les quatre se comprennent. Ai photographié trois panneaux : « Jeux interdits » (dans une rue proche de la place des Moulins), « Il est interdit de lire » (au point presse-tabac du Casino) et « Chasse aux Pokemon Go interdite dans l’enceinte du stade Louis-II » (devant le stade Louis-II).
Première visite sur le Rocher, le Celesteville des éléphants Grimaldi. Je prévoyais de lire les journaux à une terrasse au soleil : du soleil, mais ni journaux ni terrasse. Je me suis signé à l’eau bénite dans la cathédrale blanche où Rainier a épousé Grace l’année de ma naissance. Je crois en toi, Monaco. Impossible qu’il n’y ait pas un peu de Dieu dans chaque jolie fille.
Instantanés monégasques : au Forum Grimaldi, des Bacon pour sept visiteurs et cent Combas pour moi tout seul ; le chauffeur du bus 6, où je suis monté et dont je suis descendu sans ticket, me faisant remarquer, derrière ses lunettes noires de playboy, que je me suis mal comporté, avant de refermer les portes de l’autobus sans me verbaliser ; le car des joueurs de Villarreal devant le Novotel, gardé par deux motards de la Principauté ; fuir un pique-nique nocturne sur la plage de la Mala et faire entre le cap d’Ail et Fontvieille la plus belle promenade du monde au bord de l’eau ; les spaghettis alle vongole et la tarte aux pommes de La Romantica (≈), le restaurant italien de la rue Saint-Laurent, où je n’ai pas besoin de réserver, car je vois de ma fenêtre s’il y a des tables libres en terrasse « Au Forum Grimaldi, des Bacon pour sept visiteurs et cent Combas pour moi tout seul. »