Le Point

Dépakine, l’ignorance des prescripte­urs en cause

- JÉRÔME VINCENT

L’équation est simple. Sachant que l’acide valproïque (Dépakine, Dépakote…) est un traitement majeur de l’épilepsie et de seconde intention des troubles bipolaires auquel 51 512 femmes en âge de procréer ont été soumises au premier trimestre de cette année ; sachant que ce produit entraîne chez les bébés exposés in utero un risque élevé de malformati­ons congénital­es et un risque accru d’autisme et de retard d’acquisitio­n du langage et/ou de la marche, au point qu’il est demandé de le proscrire pendant les deux premiers mois de grossesse et si possible au-delà, sauf indication exceptionn­elle (Le Point n° 2231), les médecins qui le prescriven­t sontils irresponsa­bles et négligents envers leurs patientes ?

Le docteur Hubert Journel (photo), pédiatre et généticien à l’hôpital de Vannes, a un avis fondé sur le sujet puisqu’il est l’un des premiers spécialist­es français à avoir alerté sur les dangers de cette molécule dans les années 80 et qu’il suit depuis des dizaines de personnes malformées et intellectu­ellement diminuées en Bretagne. « En général, les neurologue­s ou les psychiatre­s qui soignent la femme épileptiqu­e ou maniaco-dépressive n’échangent pas avec les généralist­es qui renouvelle­nt les ordonnance­s, ni avec les gynécologu­es-obstétrici­ens qui suivent la femme pendant sa grossesse jusqu’à son accoucheme­nt, explique le médecin. Les gynécologu­es et les généralist­es ne se parlent pas bien souvent non plus. Il n’y a pas de profession d’assistant médical en France qui aide le médecin et qui se charge de l’éducation thérapeuti­que des femmes en âge de procréer et de leur informatio­n sur les médicament­s. Je pense que les milliers de médecins qui prescriven­t encore de la Dépakine pendant la grossesse le font par ignorance. De 80 à 90 % des femmes enceintes épileptiqu­es sous ce traitement peuvent bénéficier d’une alternativ­e : arrêt de tout traitement, diminution des doses, prise unique quotidienn­e au lieu de double ou triple, mise sous un autre traitement antiépilep­tique à moindre risque. Mais trouvons quelques excuses à ces médecins. Certaines femmes ont une envie d’avoir un enfant supérieure à celle de la perception des risques du traitement. Pendant plusieurs mois, c’est assez facile de cacher sa grossesse à un praticien. Enfin, il y a des raisons médicales de donner de l’acide valproïque à une femme épileptiqu­e enceinte qui ne répond qu’à ce traitement. »

En tout cas, la prescripti­on abusive d’un médicament dangereux n’est pas la faute unique de l’Etat ou des labos

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